23 novembre 2009

Le monde selon Goldman Sachs

Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu | IGOPP

«He who knows he has enough is rich» Tao Te Ching

(tiré et adapté de Black Markets and Business Blues, ouvrage de Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu)

Admittedly, this is no easy task. The Hockin Report is the third attempt in recent years at selling the idea. Which combination of carrot and stick can sway those provinces that are still reluctant to hand over to a federal or national organization their regulatory and supervisory powers of securities markets?

Instead of focusing on the major overhauls of the global financial system, the Canadian finance minister seems determined to nationalize our provincial securities regulators, risking a constitutional confrontation in the process – which is exactly what Canada needs in these turbulent and uncertain times.

Keep in mind that securities commissions played a minor, very minor, role in the on-going global financial melt-down. Even when it comes to our own contribution to the financial drama, the ABCP crisis, a study conducted for the Hockin Expert Panel states:

The ABCP crisis turns out to be a poor test with respect to arguments in favor of greater consolidation of regulatory responsibility… The case for consolidation would be strengthened if there is evidence that communication between different parts of a single agency proves more effective than communication among agencies. (Chant, 2008, p.46)

At any rate, the crisis originated, and has been most damaging, in the United States and United Kingdom, both countries which have had a national securities commission in place for a very long time.

It is also argued that the complexity of the current structure with 13 securities commissions is bound to increase costs for issuers and make enforcement less effective. It makes sense, does-it-not, that a single, national securities commission would be so much more effective. The merger of several cities and towns into the Greater Montreal was also to lead to cost efficiency, lower taxes and better quality of service. Well, it is wise to be sceptical about this one too.

But the debate may go on ad nauseam and probably will before the courts. However, a somewhat thorny issue does not seem to have been addressed by the Hockin Report nor by its predecessors.

The Hockin Report proposes that any publicly traded company could opt to be regulated by the federal, or national, securities commission rather than by the securities commission of the province where the company keeps its legal residence. Does that mean that this federal or national commission would have to require all publicly traded companies to communicate with their investors in both official languages?

Indeed, would a francophone investor, regardless of where he or she lives in Canada, be entitled to receive a French version of annual reports and all other financial communications published by a publicly traded, federally regulated, company?    Canadian consumers are informed of the contents of their cereal box in either official language wherever in Canada they’re having breakfast. So why would it be any different when it comes to a national organization that is supposed to ensure Canadian investors are adequately informed about their investments?

Let’s look at a concrete example. In the spring of 2008, Visa Inc. became a publicly listed company in Canada. To avoid the financial costs and delays involved in translating its (503-page) prospectus and related documents, Visa decided not to distribute and sell its shares to Quebec investors.

How would that be possible if Visa had been regulated by a national, or federal, commission? How could a federal agency endorse such a scenario, depriving francophone investors outside of Quebec as well as in Quebec from information in French?

This is not a minor issue. The cost to produce legally binding translations of all documents is enormous. At this time, even among the 253 largest listed companies in Canada, the companies making up the TSE-S&P Index, only 81 (37%) publish their annual report in French and in English. Only 60% actually provide a French version of the all-important Management Information Circular, the document that provides information on executive compensation, proposes board members for election as well as any special resolution to be voted on by the general assembly of shareholders.

For the thousands of smaller companies listed on Canadian exchanges, the problem would be even more formidable.  Proponents of a national, federal, securities commission better answer those questions before proceeding too hastily with their plan. Were a national securities commission to require that all communications of publicly traded companies with their investors be available in both official languages, the cost would be astronomical.

La cupidité

La cupidité est une maladie contagieuse et insidieuse. Elle prend des proportions épidémiques de nos jours alors que l’on cherche toujours et en vain le vaccin, le remède pour nous protéger de ce mal.

La cupidité se propage dans toute une société par un phénomène d’envie du bonus de l’autre, par le sentiment d’être sous-payé pour la « valeur » de ses services, relativement parlant…

Voyons un  peu. M. Lloyd C. Blankfein, le PDG de Goldman Sachs reçoit une rémunération annuelle qui fait dans les $70 millions en 2007. Les options sur le titre et les actions qu’il détient valaient au 31 décembre 2008 quelque $257 millions. L‘année 2008 en fut une de vache maigre ; l’entreprise vacilla un moment au bord de la déconfiture dont elle fut réchappée par l’intervention du gouvernement américain et ses agences. M. Blankfein reçut une pitance de rémunération en 2008 : $1,1 million.

Or, 2009 s’annonce bien pour Goldman Sachs qui se prépare à payer quelque $20 milliards en rémunérations pour l’année. Comme Goldman, Sachs compte quelque 34 000 employés (en incluant le personnel surnuméraire et temporaire, les commis et secrétaires), ce montant équivaut à quelque 588 000 par employé.  Ce chiffre est évidemment sans intérêt, Goldman Sachs n’étant pas une entreprise socialiste. Il serait plus intéressant de connaitre le montant des bonus que recevront les 120 employés pour qui Goldman Sachs s’est procuré, tôt et à fort prix, des vaccins contre la grippe H1N1.

La rémunération de mes amis…

Parions que M. Blankfein et ses collègues recevront des bonus qui corrigeront leur manque à gagner de 2008 et cela malgré les protestations, les pressions politiques et même les démonstrations devant le siège de la société. Comment peut-on être si insensible à la fureur populaire ? Parce que ces gens estiment qu’ils sont en fait sous-payés ! Comprenez donc que les amis de M. Blankfein, ses compagnons de golf, ses voisins dans les Hampton, son groupe de référence, sont des gestionnaires de fonds de spéculation (appelés trompeusement « hedge funds »). Sa vie sociale et professionnelle tourne autour de gens comme ces cinq gestionnaires de hedge funds les mieux payés en 2007:

  • John Paulson (rémunération : $3,7 milliards);
  • George Soros ($2,9 milliards),
  • James Simons ($2,8 milliards),
  • Philip Falcone ($1,7 milliards),
  • Ken Griffin ($1,5 milliards).

En fait, les 25 gestionnaires de fonds de spéculation les mieux payés en 2007 gagnèrent collectivement quelque U.S. $16 milliards, une rémunération de $360 millions étant le seuil pour faire partie de ce club sélect. Cette paye collective représente trois fois la rémunération totale des 500 PDG des entreprises américaines composant l’indice du Standard & Poor , ceux-là même dont les investisseurs décrient la rémunération excessive et la cupidité .

M. Blankfein ne se qualifie même pas, et de loin, pour faire partie de ce club. Pourtant Goldman Sachs est devenu en fait un énorme « hedge fund ». Des $30 milliards de revenus réalisés au cours des neuf premiers mois de son exercice 2009, 80% provenaient d’activités de « trading », le même type d’activités auquel s’adonnent beaucoup de hedge funds.

Ne serait-il pas normal que l’on compare la rémunération de M. Blankfein à celle des dirigeants de hedge funds ? Alors, il semble sous-payé ; M. Blankfein et ses collègues se feraient-ils exploiter!

Entre le profit et l’ignominie…

Pourquoi Goldman Sachs et les autres banques d’affaires ainsi que des fonds de privatisation et de couverture (hedge funds) décident-ils de se transformer en sociétés par actions cotées en Bourse, malgré le risque évident de s’attirer les foudres de l’opinion publique et des politiciens pour leurs rémunérations « scandaleuses » au vu et au su de tous?

Tout simplement parce que cette forme de propriété s’avère plus avantageuse pour ces gestionnaires de fonds que la formule conventionnelle, laquelle consiste à se faire payer 2% de l’actif en frais de gestion et de retenir 20% des profits sur les placements à titre de rémunération incitative. En fait, en transformant un hedge funds en une société par actions cotée en Bourse, la relation est quasiment inversée. Les actionnaires sont heureux (du moins l’étaient) de recevoir une portion congrue des profits sous forme de dividendes pourvu que le titre gagne en valeur de façon à produire un rendement approprié pour les actionnaires.

Goldman Sachs, devenue société publique, s’assure de calibrer les rémunérations variables de façon à :

  • réinvestir une part suffisante des profits pour que la valeur comptable de l’action augmente de 20% par année ;
  • réaliser un rendement de quelque 20% sur l’avoir des actionnaires;
  • maintenir une augmentation du bénéfice par action de 10% à 15% par année.

Tous les montants qui ne sont pas requis pour ces fins sont versés en rémunérations aux dirigeants et spécialistes de la firme ! Ce montage financier garantit, sauf en une année catastrophique comme 2008, une plus-value importante de la valeur boursière du titre. Le titre a en effet produit un rendement de quelque 14% composé annuellement depuis que la société est devenue publique en mai 1999, et ce en dépit de la crise boursière de l’automne 2008 (et de 17,2% jusqu’en octobre 2007, la date non officielle du début de la crise financière).

Ainsi, pour les neuf premiers mois de 2009, Goldman, Sachs a réalisé un bénéfice net de $7,4 milliards et versé en dividendes $350 millions et en rémunérations $16,7 milliards ! Même les investisseurs les plus dociles dans les fonds de couverture auraient protesté devant une telle distribution des argents. Cependant, puisque Goldman, Sachs est une société cotée en Bourse, ses investisseurs réalisent une forte plus-value par la valeur boursière du titre, plus-value qu’ils peuvent monnayer en tout temps en vendant leurs actions.

Ce tour de passe-passe, leur conversion en société publique, devint irrésistible malgré les désagréments d’une gouvernance pointilleuse, de divulgations onéreuses et, dans le cas des rémunérations, du ressentiment populaire. Leur erreur, évidente après coup seulement, fut de sous-estimer comment une société par actions cotée en Bourse et obligée de dévoiler les rémunérations des cinq dirigeants les mieux payés, pouvait devenir l’objet d’une si virulente opprobre populaire.

Conclusion

Hélas, ce phénomène de cupidité qui se justifie par la cupidité supérieure de l’autre contamine tout le tissu économique et toute la société. Les dirigeants d’entreprises comparent leur rémunération et, quel qu’en soit le niveau, en sont mécontents s’ils jugent qu’un autre moins méritoire est mieux payé. Comment le PDG d’une société industrielle aux dizaines de milliers d’employés mettant en marché des produits innovateurs et utiles pour la société peut-il ne pas ressentir un certain malaise, une envie larvée envers les rémunérations très supérieures à la sienne que reçoivent les opérateurs financiers de tout acabit pour leurs spéculations, tractations et manigances.

Et ainsi, un cercle vicieux d’inflation des rémunérations commença à tourner en fin des années 1980 pour aboutir au résultat actuel, scandaleux et apparemment irréversible.