19 avril 2025

Transat – La hausse salariale pour sa PDG négociée avec le gouvernement fédéral

Julien Arsenault | La Presse

C’est un aspect inusité de l’incapacité de Transat A.T. à se libérer des conditions de son aide gouvernementale pandémique obtenue il y a quatre ans. L’entreprise québécoise a dû négocier avec une société d’État fédérale pour avoir le droit d’augmenter le salaire de sa présidente et cheffe de la direction, Annick Guérard.

Un accord intervenu l’été dernier avec Ottawa lui permettra d’obtenir un paiement rétroactif d’environ 810 000 $, mais la rémunération annuelle de base de la dirigeante du spécialiste du voyage d’agrément ne pourra dépasser 1 million.

La compagnie à l’étoile bleue lève le voile sur les tractations de ce dossier dans la circulaire de sollicitation envoyée à ses actionnaires à l’occasion de son assemblée annuelle du 29 avril prochain.

« Ce programme fédéral se voulait à court terme au départ, rappelle François Dauphin, directeur de l’Institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées (IGOPP). Cette situation témoigne que l’entreprise n’est pas encore tirée d’affaire. »

Un pas de recul s’impose pour comprendre l’affaire.

Printemps 2021. La société mère d’Air Transat s’entend avec la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada (CFUEC) – une société d’État – afin d’emprunter plusieurs centaines de millions pour traverser la crise sanitaire alors que ses avions sont cloués au sol.

Quatre ans plus tard, le voyagiste et transporteur aérien lui doit toujours plus de 800 millions.

Sur une facilité de crédit non garantie d’environ 380 millions, le taux d’intérêt est passé à 10 % au début de l’année. Tout cela est un « fardeau insoutenable », écrivent Mme Guérard et la présidente du conseil d’administration, Susan Kudzman, dans leur message aux actionnaires.

Multiples conditions

L’aide gouvernementale s’accompagne d’une multitude de conditions. Par exemple, les salaires de base des patrons sont plafonnés. Quand Transat s’entend avec la CFUEC, Mme Guérard n’est pas encore aux commandes.

Elle occupe alors le poste de numéro deux. Cela signifie que son salaire se retrouve gelé à son niveau de 2019, soit 555 703 $. Quatre années se sont écoulées et le spécialiste du voyage d’agrément n’a toujours aucune idée du moment où il parviendra à refinancer sa lourde dette, ce qui lui permettra de s’affranchir des nombreuses conditions qui accompagnent les prêts obtenus.

C’est dans ce contexte que Transat a demandé à la CFUEC de « corriger l’entente » entourant le salaire de base de sa patronne. L’accord lui permettra d’obtenir deux versements rétroactifs de 405 000 $ en plus de relever son salaire de base, qui a été de 890 000 $ l’an dernier.

« L’entente avec la société d’État fédérale ne reflétait pas la promotion de Mme Guérard au poste de présidente, estime M. Dauphin. Cela fait plusieurs années que les principaux dirigeants de Transat escomptent leur rémunération en lien avec ces prêts-là. »

Ce paiement rétroactif obtenu par Mme Guérard a fait passer sa paie totale à environ 3 millions en 2024 en tenant compte de la valeur de son régime de retraite, qui était de 1,6 million.

Dans l’ensemble, la haute direction de Transat a vu sa rémunération globale – qui tient compte du salaire de base, de la valeur du régime de retraite et des autres avantages – s’établir à 5,7 millions.

Compte à rebours

Le temps commence à presser chez Transat en ce qui a trait au refinancement de sa lourde dette.

Si le voyagiste et transporteur aérien a pu repousser certaines échéances de remboursement jusqu’en 2027, une solution à long terme se fait toujours attendre.

« L’analyse de solutions se poursuit avec les gouvernements et d’autres partenaires », explique aux actionnaires Mmes Guérard et Kudzman, dans leur message.

« Toutes les options sont envisagées afin de trouver une solution permanente. » (Annick Guérard et Susan Kudzman, PDG et président du CA de Transat)

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