Le retour de l’exubérance ?
Martin Vallières | La Presse[…]
À première vue, après une année d’accalmie relative, des rémunérations de valeur exubérante semblent faire un retour en force parmi les présidents des plus importantes entreprises québécoises inscrites en Bourse.
De fait, dans la compilation annuelle effectuée par La Presse, qui comprend 40 entreprises de 500 millions ou plus en capitalisation boursière, on dénombre une quinzaine de présidents ou présidentes dont la valeur théorique de la rémunération totale en salaire et bonis pour l’année 2024 a dépassé les 10 millions de dollars.
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En contrepartie, près de la moitié de ce contingent de présidents et présidentes de Québec inc. en Bourse a subi une stagnation ou une baisse de la valeur de leur rémunération totale.
Donc, qu’en est-il de l’évolution de la rémunération des hauts dirigeants ?
« On avait tendance à croire qu’on était dans une croissance phénoménale. Mais non, c’est assez maîtrisé comme taux de croissance ». (François Dauphin, président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, IGOPP)
« Cette stabilisation relative de la valeur médiane de leur rémunération totale autour de 11,7 millions de dollars est le premier élément qui nous a un peu surpris », indique François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), lors d’un entretien avec La Presse, à l’occasion de la publication d’un rapport d’analyse et de « prise de position » de l’IGOPP sur la rémunération des hauts dirigeants des grandes entreprises canadiennes comprises dans l’indice TSX 60 de la Bourse de Toronto.
« Autre constat intéressant : le multiple de la valeur médiane de rémunération des présidents d’entreprise par rapport au salaire moyen du secteur privé au Canada est en repli depuis deux ans alors qu’il continue d’augmenter aux États-Unis, qui sont un milieu d’affaires de référence en matière de politique de rémunération des hauts dirigeants. » (François Dauphin, président-directeur général de l’IGOPP)
N’empêche, en attendant de pouvoir préciser la durée et l’ampleur de ce repli du multiple de rémunération, le PDG de l’IGOPP signale que les niveaux de 154 fois le salaire moyen du secteur privé au Canada et de 216 fois aux États-Unis demeurent les plus élevés parmi les principaux marchés boursiers du monde.
En comparaison, ce multiple de rémunération du salaire moyen du secteur privé se situe autour de 132 fois en France, mais aux environs de 90 fois à Londres et en Allemagne. Et il est de seulement 15 fois en Suède et autour de 50 fois aux Pays-Bas, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Par ailleurs, parmi les autres constats de son analyse de la rémunération des dirigeants d’entreprise, l’Institut sur la gouvernance déplore la complexification de leurs régimes de rémunération avec « le foisonnement de critères et indicateurs utilisés par les sociétés pour déterminer l’atteinte ou non des objectifs de performance » par leurs hauts dirigeants.
En conséquence, l’IGOPP recommande aux conseils d’administration de ces entreprises de réviser et de simplifier leur politique de rémunération afin qu’elle reflète mieux la performance réelle de leurs hauts dirigeants dans l’atteinte des objectifs de l’entreprise.
« On sent que les conseils d’administration sont un peu démunis dans la façon d’organiser ces nouvelles mesures de performance dans la rémunération incitative des hauts dirigeants, indique François Dauphin.
« Dans certains cas, on se retrouve avec des indicateurs un peu contradictoires, qui vont dans toutes les directions afin de tenter de satisfaire tout le monde parmi les parties prenantes de l’entreprise. »
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- Rémunération des dirigeants