Sièges sociaux – Le Québec et le Canada à risque ?
Jean-Nicolas Saucier | Afrique Expansion« Dans la foulée de la vente de Rona au géant américain de la rénovation Lowe’s pour 3,2 milliards de dollars, le constat a été soudain et brutal, la question étant inévitablement posée : les sièges sociaux canadiens et québécois sont-ils vulnérables ? La réponse, elle, comporte de multiples couleurs…
«Je peux vous assurer que notre siège social canadien sera à Boucherville et que je déménagerai personnellement au Québec afin d’y travailler», a répondu comme pour parer les coups éventuels le numéro un de Lowe’s au Canada cité par le journal Les Affaires, Sylvain Prud’homme, qui s’est toutefois bien garder de confirmer la fermeture de ses bureaux de Toronto ou de chiffrer le nombre d’emplois qui seront éventuellement créés ou supprimés une fois sa direction canadienne officiellement transférée.
Si ces garanties sont les bienvenues, elles ne «garantissent» justement rien, pas plus qu’elles ne forcent les nouveaux propriétaires à y donner suite. Dans les faits, de nombreuses promesses semblables ont souvent pavé la voie à la création de coquilles vides qu’on garde symboliquement en place pour respecter ce douteux engagement pris pour rassurer au moment de l’acquisition, les «vraies» décisions d’impact se prenant désormais ailleurs. Et l’impact de telles pertes est majeur sur l’économie nationale.
«Quand on perd un siège social, on perd non seulement les employés qui y travaillent, mais aussi tous les fournisseurs et les professionnels (avocats, comptables, actuaires) qui gravitent autour», expliquait dans les pages du Journal de Montréal Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP) et ancien haut-dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Une expertise chèrement et longuement gagnée qui peut prendre une génération complète à se renouveler.
À cet égard, Statistique Canada nous apprend que le nombre de sièges sociaux au Canada a diminué de 0,6 % en 2014 pour se chiffrer à 2756, employant dans leur foulée 227 684 personnes. Des sièges qui seraient selon certains politiciens et ex-hommes d’affaires de plus en plus menacés. « Nous en avons trop perdu, des sièges sociaux. Tout le monde le dit, tous les commentateurs le disent », a affirmé sur les ondes de Radio-Canada le chef de l’opposition officielle à Québec, Pierre Karl Péladeau, ex-dirigeant de Québecor. « Est-ce que le Québec devient une économie de succursales ? Le gouvernement Couillard a-t-il un plan pour nos sièges sociaux ? », s’est interrogé sur le même réseau François Legault, chef de la seconde opposition et ancien président fondateur d’Air Transat. »