Quelques contes financiers
Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu | IGOPP«Nous croyons que nous ne serons pas en mesure de rencontrer notre prévision d’un bénéfice par action de 7,50 $ pour l’exercice en cours. Nous croyons que ce bénéfice se situera plutôt dans un intervalle de 5,25 $ et 6,00 $» annonçait Mike Lazaridis le co-PDG de Research in Motion (RIM) le 16 juin 2011.
Le prix de l’action de la société, en baisse depuis six mois, chute brutalement au lendemain de cette annonce. Cette société canadienne, créatrice du phénoménal Blackberry, est instantanément vilipendée, flagellée pour son « incompétence » et invitée instamment à se vendre à quelque sauveur providentiel. Les co-fondateurs sont invités, plus ou moins élégamment, à tirer leur révérence, à céder leurs postes à d’autres.
Les investisseurs institutionnels abandonnent le bateau, laissant le titre (et le sort) de RIM dans les mains de spéculateurs de tout acabit.
Lamentons le sort que les marchés financiers contemporains font à toute société au moment de ses difficultés. Après un engouement qui propulse le prix de l’action en stratosphère, les marchés financiers écrasent le titre et la société au moindre signe de faiblesse, au moindre soupçon que le bénéfice par action risque de fléchir.
RIM doit relever les défis de marchés en mutation, développer et lancer de nouveaux produits complexes. Il doit accomplir ce tour de force alors que les investisseurs abandonnent la société, que la panique s’empare de ses cadres et dirigeants devant l’échéance du prochain rendez-vous trimestriel avec les analystes financiers, que les rumeurs les plus nocives circulent créant doute et insécurité chez son personnel.
Ah, si seulement, RIM, à l’instar de Google, avait adopté une structure de capital comportant une double classe d’actions! Détenteurs d’action à multiple votes, les deux co-fondateurs jouiraient d’une part suffisante du contrôle de la société pour mettre celle-ci à l’abri des manœuvres des spéculateurs, le temps de redresser la situation.