13 mai 2022

Rémunération des dirigeants d’entreprise – Les millions des patrons

Martin Vallières | La Presse

Retour rapide à la situation d’avant-pandémie ? C’est le constat qui se dégage de l’analyse de la rémunération des plus hauts dirigeants des entreprises dont le siège social est au Québec et dont la valeur boursière dépasse les 500 millions de dollars.

« Après les gestes symboliques pour limiter ou abaisser la valeur des rémunérations de hauts dirigeants qui avaient été faits durant la première année de pandémie en 2020, on assiste à un retour en force des politiques de rémunération basées surtout sur des critères financiers à court terme », constate Michel Magnan, professeur et chercheur à la Chaire de gouvernance Jarislowsky de l’École de gestion Molson de l’Université Concordia, à Montréal.

« Dans un contexte où les résultats des entreprises et les marchés boursiers ont fortement rebondi en 2021, après une année marquée par le choc socio-économique du début de pandémie, les valeurs de rémunération des hauts dirigeants d’entreprise ont bénéficié de vents arrière très favorables. »

 À preuve, parmi les 47 entreprises établies au Québec et dont la valeur boursière dépasse les 500 millions, une douzaine d’entre elles ont majoré de plus de 20 % la valeur de la rémunération totale de leurs hauts dirigeants lors de l’exercice financier 2021 (salaire, primes et autres avantages).

Par ailleurs, parmi la cinquantaine de présidents et de présidentes de ces entreprises – certaines ont deux présidents, directeur du conseil ou chef de la direction –, la moitié ont bénéficié d’une hausse de plus de 20 % de la valeur de leur rémunération totale en 2021.

Une douzaine de ces présidents et présidentes ont même bénéficié d’une augmentation de plus de 50 % de la valeur de leur rémunération en 2021 par rapport à l’année précédente.

« Les impacts de la pandémie dans l’économie depuis deux ans ont provoqué de multiples tests de leadership parmi les hauts dirigeants des entreprises, souligne Michel Magnan.

« Par contre, de la façon dont fonctionnent la plupart des politiques de rémunération des hauts dirigeants, basées surtout sur des calculs de résultats et de ratios financiers, c’est très difficile de distinguer les résultats réels de leur gestion de crise des effets d’entraînement qui découlent de la forte performance des Bourses nord-américaines en 2021 et du rebond de l’économie après le choc initial de la pandémie. »

Ces hauts dirigeants ont-ils vraiment fait preuve d’un “leadership responsable” pour justifier ces hausses de rémunération ? Si oui, selon quels critères dans la politique de rémunération de l’entreprise qu’ils dirigent ?

Michel Magnan, professeur et chercheur à la Chaire de gouvernance Jarislowsky de l’École de gestion Molson de l’Université Concordia

De l’avis de François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques (IGOPP), l’intégration d’objectifs et de critères « autres que financiers et moins axés sur le court terme » demeure un défi pour les conseillers et les administrateurs en matière de rémunération des hauts dirigeants.

« Malgré les efforts et les interventions d’un nombre croissant de gros investisseurs [institutionnels] en ce sens, il n’y a pas vraiment de normes de référence pour l’inclusion de facteurs qualitatifs dans les politiques de rémunération des hauts dirigeants », signale François Dauphin.

« Par exemple, en matière d’objectifs liés aux critères ESG [environnement, société, gouvernance], ça commence à s’insérer dans les politiques de rémunération en réponse aux demandes des investisseurs les plus influents dans chaque entreprise. Mais cette tendance est ralentie par l’insuffisance des normes de référence au-delà des barèmes déterminés à l’interne dans chaque entreprise. »

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