Oui aux actions à droit de vote multiple
Mais à une condition, avise cet institut.
La rédaction | Conseiller.caL’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) vient de préciser sa position concernant les sociétés à double classe d’actions, rapporte le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires dans sa plus récente infolettre.
L’IGOPP affirme qu’elle réitère, « appuyée en cela par de nombreux travaux empiriques », que les sociétés ouvertes ayant des actions à droit de vote multiple et les entreprises familiales « offrent beaucoup d’avantages, à la condition que soient bien protégés les porteurs d’actions disposant de droits de vote inférieurs ».
L’organisation ajoute que certaines de ses recommandations émises en 2006 ont été reconduites dans sa mise à jour de 2019, tandis que d’autres ont été modifiées ou ajoutées.
« ÊTRE À L’ABRI DES PRISES DE CONTRÔLE NON SOUHAITÉES »
L’IGOPP indique par exemple qu’elle maintient sa recommandation selon laquelle un actionnaire de contrôle doit posséder au moins 20 % de la valeur des capitaux propres d’une compagnie pour avoir le droit de détenir 50 % et plus des droits de vote, et donc pour ainsi la contrôler.
« Bien que cette recommandation (…) n’ait pas été suivie, elle préserve une grande valeur en tant que principe; elle envoie un message fort que les ratios plus élevés [des droits de vote] que 4:1 [c’est-à-dire qu’il faut détenir 20 % de la valeur des capitaux propres d’une société pour la contrôler] deviennent rapidement inacceptables, entre autres ceux excédant un ratio de droits de vote de 10:1 », précise la mise à jour de l’Institut.
Ce dernier souligne que des études américaines ont démontré qu’« au-delà d’un certain écart entre la proportion des droits de vote et celle des capitaux propres détenus par l’actionnaire de contrôle, on risque des impacts négatifs sur la qualité de la gouvernance, une augmentation des risques que les décisions soient prises davantage en faveur de l’actionnaire de contrôle ainsi qu’une performance économique amoindrie ».
L’IGOPP soutient que l’argument clé en faveur des actions à droit de vote supérieur (ADVS) demeure « la capacité des entrepreneurs et leurs familles à planifier et à gérer à long terme, à l’abri des prises de contrôle non souhaitées ». En effet, explique-t-il, pour se protéger contre une telle éventualité, il suffit, dans la plupart des cas, que l’actionnaire de contrôle détienne 33,3 % des droits de vote. « En présence d’un ratio 4:1, cet objectif est atteint si l’entrepreneur ou ses successeurs contrôlent 11,1 % des capitaux propres », insiste l’Institut. Celui-ci déplore néanmoins que « ce fait ne semble pas être bien compris ni suffisamment publicisé ».
INTERDIRE LES ACTIONS SANS DROIT DE VOTE
L’Institut estime également que la Bourse de Toronto devrait « envisager de plafonner le ratio des droits de vote multiples à 10:1 », soit à 10 votes pour une action, tandis que les actions sans droit de vote devraient « être interdites ».
« Depuis 2005, quatre des 23 nouvelles sociétés ayant des ADVS ont choisi d’émettre ce type d’actions. Nous réitérons notre objection à cette pratique. Un moyen efficace pour décourager le recours aux actions sans droit de vote serait d’exclure ces sociétés des indices boursiers », précise la mise à jour de l’organisation.
Celle-ci recommande par ailleurs « de faire un décompte distinct des voix pour chaque classe d’actions et de rendre les résultats publics, que ce soit pour l’élection des membres du conseil d’administration ou pour toute autre proposition soumise au vote des actionnaires ».
Après avoir examiné de « façon approfondie » les arguments pour ou contre les « actions multivotantes », l’IGOPP conclut que « les avantages de cette structure l’emportent haut la main sur ses inconvénients ». En effet, justifie-t-il, non seulement de plus en plus d’études confirment que les ADVS permettent une meilleure performance économique, mais « le fait de combiner la propriété familiale et les actions à droit de vote supérieur résulte en une plus grande longévité de l’entreprise, une meilleure intégration dans les collectivités hôtes, moins de vulnérabilité aux pressions des actionnaires de court terme et moins de susceptibilité aux “modes” stratégiques et financières ».
Une condition, toutefois : « Cette précieuse forme de propriété doit être assortie de mesures assurant le respect et la protection des droits des actionnaires minoritaires. »