26 mars 2022

Le vaccin de Medicago décrypté

Isabelle Dubé | La Presse

Le vaccin contre la COVID-19 de l’entreprise Medicago, établie à Québec, a été officiellement refusé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le vaccin COVIFENZ, produit en partenariat avec la multinationale pharmaceutique GSK, a été autorisé par Santé Canada le 24 février dernier pour les personnes âgées de 18 à 64 ans. Voici ce qu’il faut comprendre.

Pourquoi l’OMS a-t-elle rejeté le vaccin ?

À cause de son actionnaire minoritaire, le cigarettier Philip Morris. Depuis 2005, l’OMS a des règles strictes interdisant les liens avec des fabricants de tabac et d’armes. Philip Morris est actionnaire de Medicago à 21 % et le géant pharmaceutique Mitsubishi Tanabe, à 79 %.

Le fait que le vaccin soit développé à base d’une plante apparentée au tabac pose-t-il un problème ?

« Je ne crois pas. La plante est seulement utilisée comme réacteur qui fait la production du vaccin, mais n’est pas dans le vaccin comme tel », explique Alain Lamarre, virologue et immunologue à l’Institut national de recherche scientifique (INRS).

Le gouvernement canadien connaissait bien les règles de l’OMS. Qu’est-ce qui l’a poussé à investir dans ce vaccin sachant qu’il risquait d’être rejeté par l’OMS ?

« À l’époque, il y avait l’urgence du moment et le gouvernement a voulu couvrir ses arrières avec le plus grand nombre de fournisseurs possible, parce qu’on ne savait pas qui allait être le premier à découvrir le vaccin. Il s’agit d’une gestion de risque qui est correcte de la part d’un gouvernement. Même si la condition actionnariale était déjà connue en 2020, la possibilité de l’utiliser au niveau local en première dose demeurait », explique François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP).

« Après une diligence raisonnable significative, il a été déterminé que l’actionnariat de la compagnie n’empêchait pas l’investissement dans le projet. La présence de Medicago au Canada contribue à l’amélioration de notre sécurité sanitaire nationale et de nos capacités d’intervention en cas de pandémie, et renforce notre écosystème de biofabrication et de sciences de la vie », soutient Laurie Bouchard, porte-parole du ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne.

Le gouvernement fédéral a accordé un financement de 173 millions en 2020 à Medicago avec des clauses de retrait. Est-ce qu’elles seront utilisées ?

« Tous les contrats que le gouvernement du Canada signe avec les fabricants de vaccins prévoient des clauses de retrait au cas où elles s’avéreraient nécessaires », indique le communiqué du gouvernement du Canada en date du 23 octobre 2020. La porte-parole Laurie Bouchard soutient que « les modalités relatives aux clauses de retrait sont de nature délicate sur le plan commercial et ne peuvent être divulguées ».

La porte-parole rappelle que Medicago a été la première et la seule entreprise établie au Canada à avoir reçu l’autorisation de Santé Canada pour son vaccin contre la COVID-19, le premier au monde à base de plantes. De son côté, François Dauphin, de l’IGOPP, affirme qu’il « est trop tôt pour [jeter l’éponge] avec Medicago et qu’il y a des actions à prendre à l’interne pour régler la situation. « On a réalisé au début de la crise à quel point on avait un enjeu au niveau de l’approvisionnement, donc il y a un intérêt au niveau local de pouvoir développer et de maintenir cette capacité d’approvisionnement. Il y a certainement une logique nationale pour le gouvernement à maintenir son engagement. »

[…]

Est-ce que Medicago et le gouvernement peuvent casser la décision de l’OMS ?

« Notre gouvernement est en contact avec l’entreprise et travaille avec elle pour trouver une solution », affirme Laurie Bouchard. « Il faut mettre de la pression sur Medicago pour régler le problème actionnarial et le gouvernement peut faire des pressions auprès de l’OMS et auprès de l’entreprise », indique François Dauphin.

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