10 janvier 2012

L’agence Standard & Poor’s: un gendarme d’opérette

Michel Nadeau | IGOPP

Avec la gravité d’un magister im­pitoyable, l’agence de notation Standard & Poor’s envoyait, il y a six mois cette semaine, un solide coup de semonce au gouvernement américain. Les experts de S & P ont voulu écrire l’histoire en retirant les trois A à la cote du crédit consi­dérée comme le plus sure de la pla­nète. Et le choeur des stratèges, y compris M. Bill Gross, le gourou de la plus grande firme de gestion obli­gataire américaine PIMCO, implorait les investisseurs de délaisser les ti­tres de l’oncle Sam et même de les vendre a découvert. Plusieurs court­iers proposaient à leurs clients d’aller chercher refuge dans des titres plus tendances comme les entreprises d’énergie propre ou les petites so­ciétés chinoises.

Encore une fois, S & P a joué le rôle de gendarme d’opérette en sonnant la charge une fois la bataille passée. L’indice Barclay’s des obligations de plus de 20 ans du Trésor américain a affiché un rendement de 33.84 % en 2011, la meilleure performance de tous les véhicules financiers. (Ce ré­sultat vient d’une baisse des taux de 1,44 %. : une diminution de 1 % fait augmenter de 18 % la valeur d’une obligation de 30 ans.) Être long obli­gations était la stratégie gagnante en 2011 ! Les titres US pour une éché­ance de 10 ans ont baissé de 2.56 % à 1.88 % entre août et fin décembre. Ce mouvement de 68 p.c. fut iden­tique à celui du Canada (repli de 70 p.c.) qui n’a pourtant pas reçu l’opprobre de l’agence new-yorkaise. L’écart entre les obligations améri­caines et les valeurs similaires alle­mandes est passé de 15 p.c. avant le début d’août à seulement 5 p.c. La valeur relative du crédit US s’est améliorée. Qui a été pénalisé par S & P ?

La panique provoquée par S & P en août dernier n’a pas eu d’effet réel ; l’ensemble du crédit s’est amélioré en raison de la crise financière euro­péenne. Les chiffres très positifs de l’emploi aux USA de vendredi dernier montrent que les prophètes qui voyaient dans leur boule une chute brutale de l’économie américaine ont fait un avis mortuaire précoce.

Les agences de notation appor­tent des manchettes spectacu­laires aux chaînes d’information continue. Mais le marché bouge au-delà de ces analyses prétendument objectives. Les investisseurs cher­chent un rapport raisonnable entre le rendement et le risque disponibles. Malheureusement le petit éparg­nant se fait souvent prendre par ces prétendus oracles qui regardent le risque dans le rétroviseur des bilans passés. On cherche ainsi à déplacer le troupeau des investisseurs prêts à boire à la première source venue. Au fait, l’ensemble des titres des entre­prises d’énergie propre et des petites

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur. L’IGOPP ne fait qu’assumer la diffusion d’idées et d’opinions d’intérêt public.