L’investissement boursier sous la distorsion des taux
Gérard Bérubé | Le DevoirLa faiblesse chronique des taux d’intérêt brouille les cartes. Dans l’immobilier, c’est connu, et en Bourse, c’est aussi connu. Ce qui l’est moins, c’est l’explosion du multiple du marché boursier. Les investisseurs paient toujours plus cher un bénéfice toujours plus faible.
Dans son récent Point de vue économique, Mathieu D’Anjou, économiste principal au Mouvement Desjardins, résume la bonne performance des marchés boursiers. L’indice S&P 500 a généré un rendement annuel moyen de 15,8 % de 2013 à la fin de 2015 (incluant le dividende), de 5,1 % pour le S&P/TSX. À Wall Street, la progression annuelle moyenne aurait été de 25 % en dollars canadiens. Or les profits des entreprises n’ont pas été à la hauteur des attentes, plombés par une croissance du PIB nominal sous les prévisions. Une grande conclusion s’impose : « l’excellente performance de la Bourse américaine depuis la fin de 2012 s’explique essentiellement par une expansion des ratios cours-bénéfice ».
Rachat d’actions
La faiblesse des taux et les rendements obligataires chétifs canalisent beaucoup plus d’épargne vers la Bourse. Aussi, l’abondance des liquidités au sein des entreprises combinée à la faiblesse de l’activité économique alimente un mouvement de rachat d’actions. Et ce mouvement est amplifié par une politique de rémunération des hauts dirigeants basée sur des indicateurs incitant à la performance à court terme. On pense à un bénéfice par action cible et à un objectif de rendement total pour l’actionnaire. Dans un texte publié au début de juin, Yvan Allaire, président exécutif du conseil de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP), a donné comme exemple ce choix des dirigeants empruntant la voie facile des rachats d’actions plutôt que de mettre à contribution les liquidités de l’entreprise dans des projets d’investissement et de développement à long terme. En jouant sur le dénominateur, on alimente une hausse du cours de l’action. Ou on compense l’effet de dilution venant de l’exercice d’options provoqué par cette hausse du cours, concluait-il.