20 mai 2010

D’une dérive grecque à une crise européenne

Le rôle de la spéculation

Yvan Allaire | IGOPP

Madrid, le 14 mai. Au moment d’écrire ces lignes, la Grèce subit de graves désordres sociaux,  l’euro est en forte baisse, le Portugal et l’Espagne se préparent à la tempête qui s’annonce, la survie de la zone euro repose sur les jeux de pouvoir de l’Allemagne et de la France…ainsi que sur les manœuvres des spéculateurs

Certains l’avaient prédit, les mesures prises par les gouvernements en 2007-2009 pour  sauver leurs institutions financières de la déconfiture et pour composer avec la récession amenée par la crise financière de 2007-2008 ont semé les germes d’une crise macro-économique de grande envergure.

Ainsi de 2007 à 2010, la dette nette (en pourcentage du PIB) de tous les pays de la zone euro est passée de 43,3 % à 57,9%, celle des États-Unis, de 42,3% à 65, 2%. Le Canada reste en bonne posture sa dette nette ayant augmenté de 23,1% à 32,6%.

La Grèce, le pays déclencheur de la présente crise, a vu sa dette nette grimper de 70,4% en 2007 à 94,1% en 2010, le ratio le plus élevé, après le Japon et l’Italie, de tous les pays de l’OCDE. Pire encore, une fois corrigée de certaines entourloupettes comptables, le déficit budgétaire de la Grèce fait quelque 12,7 % de son PIB!

Mais pourquoi ces résultats financiers de la Grèce mettent-ils en péril tout l’édifice de l’euro? Supposons, par analogie, que la province de la Nouvelle Écosse dont le PIB dans l’ensemble canadien équivaut à peu près à celui de la Grèce dans la zone euro (quelque 2,5%), se soit fortement endettée et que son déficit budgétaire soit devenu insoutenable. Évidement cette hypothèse est fort improbable car le système fédéral canadien, contrairement à la zone euro, comporte de mécanismes de péréquation, de paiements de transfert et de stabilisateurs, comme l’assurance emploi, qui sont déclenchés automatiquement pour appuyer une province en difficulté fiscale.

Supposons, aussi implausible que cela soit, que la Nouvelle Écosse se trouve en telle situation. En quoi cela menacerait-il le dollar canadien ou le coût et la capacité des autres provinces canadiennes de financer leurs dettes? Le gouvernement de la Nouvelle Écosse devrait discuter avec ses créanciers d’arrangements et de restructuration, incluant la possibilité pour ceux-ci de ne recevoir qu’une fraction des montants prêtés à la Nouvelle Écosse. De telles négociations et restructurations sont pénibles et laissent des traces sur la réputation du débiteur. Elles sont toutefois fréquentes et dans l’ordre des choses dans les milieux financiers. […] Lire la suite