Qui parle français au sein de votre C.A.?
Olivier Bourque | ICI - Radio-CanadaUne organisation de défense des actionnaires fait pression pour que les administrateurs de grandes entreprises divulguent les langues qu’ils parlent.
Plusieurs polémiques liées à la langue française ont secoué le Québec au cours des derniers mois. Pour éviter ces situations et parce qu’il s’agit « de la responsabilité sociale » des entreprises, une organisation de défense des actionnaires propose que les langues maîtrisées par les administrateurs de sociétés soient divulguées.
Novembre 2021. Une déclaration du patron d’Air Canada, Michael Rousseau, provoque un tollé. Incapable de parler français lors d’un événement, il affirme candidement avoir pu vivre au Québec en anglais uniquement pendant 14 ans et que son emploi du temps l’empêchait d’apprendre la langue de Félix Leclerc.
Les propos choquent la classe politique et provoquent une vive réaction au sein de la population : plus de 2500 plaintes sont enregistrées au Commissariat aux langues officielles.
D’autres entreprises sont aussi montrées du doigt, notamment SNC-Lavalin, dont le patron, Ian Edwards, décide d’annuler un discours prévu seulement en anglais quelques jours plus tard. Au printemps 2022, le Canadien National (CN) est aussi critiqué pour l’absence de francophones dans son conseil d’administration.
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La langue, élément de diversité
Si l’approche demeure volontaire pour les entreprises, le MEDAC est toutefois d’avis que la question de langue est un sujet de responsabilité sociale
, au même titre que la diversité.
Plusieurs entreprises ont d’ailleurs de nouvelles obligations en matière de divulgation de la diversité en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Les sociétés visées doivent être transparentes au sujet du nombre d’employés féminins, issus de minorités visibles, de personnes handicapées et d’Autochtones qu’elles comptent dans leurs rangs.
Ces dispositions seront probablement harmonisées dans plusieurs autres lois, notamment la Loi sur les banques. Le MEDAC souhaiterait que la langue soit également inscrite comme un élément de diversité et a déposé un mémoire en ce sens dans le cadre d’une consultation menée par le gouvernement fédéral.
La divulgation sur la langue constituerait non seulement une avancée, selon nous, mais une véritable obligation, dans l’esprit de la loi
, souligne M. Gagnon.
L’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) se dit d’accord avec la démarche et croit aussi que la langue devrait être considérée comme un élément de diversité.
La diversité, ce n’est pas limité aux quatre groupes désignés par le gouvernement, ça prend plusieurs formes, plusieurs natures, et un des aspects est la diversité linguistique
, croit le directeur général François Dauphin.
« Pour moi, une divulgation de nature volontaire comme celle qui est proposée a du sens. Je ne suis pas surpris de voir l’ouverture de certaines entreprises. » (Une citation de François Dauphin, directeur général de l’IGOPP)
Ce dernier rappelle les cas d’Air Canada et du CN qui ont fait grand bruit. Pour ces deux entreprises à charte fédérale, assujetties à la Loi sur les langues officielles, la divulgation devrait aller de soi.
Pour ces entreprises, la divulgation ne devrait pas être volontaire, mais presque obligatoire dans ces cas. Mais pour des sociétés qui n’ont pas ces obligations, il y a une logique économique de montrer une sensibilité aux questions linguistiques
, poursuit-il.
M. Dauphin croit aussi que plusieurs grandes sociétés au Québec, notamment dans le secteur bancaire, comprennent maintenant l’importance d’être transparente sur la question du français.
Quand la Laurentienne a nommé sa dirigeante Rania Llewellyn, une unilingue anglophone, la première chose qu’elle a dite, c’est qu’elle allait apprendre le français, que c’est quelque chose d’important pour moi, pour vous, pour la Banque Laurentienne qui a des racines profondes
, rappelle M. Dauphin.