Comptes en fidéicommis: Une manne pour la Chambre des notaires
Louise Leduc | La PresseOù vont les intérêts des sommes confiées en fidéicommis aux notaires lors de l’achat d’une maison ou d’un condo ? À la Chambre des notaires, qui s’est ainsi constitué un bas de laine de 139 millions de dollars.
Baptisé Fonds d’études notariales, ce fonds a permis à la Chambre des notaires de renflouer un déficit d’exploitation, d’acheter une partie d’un immeuble au centre-ville de Montréal et de distribuer de l’aide financière à divers organismes.
Toute hypothèque qui sert au financement d’une propriété doit obligatoirement être faite par un acte notarié. Le temps que le notaire fasse les vérifications nécessaires, il peut se passer 24 heures ou plusieurs jours. Cela génère des intérêts, qui viennent grossir le Fonds d’études notariales.
En entrevue, Me Hélène Potvin, présidente de la Chambre des notaires, note que « l’effervescence immobilière incroyable des dernières années » a généré « plus de transactions », donc « plus d’argent qui transite dans les comptes des notaires » et, donc, d’intérêts.
Pourquoi les intérêts générés par les fonds en fidéicommis – à partir de comptes confiés par les clients – reviennent-ils à la Chambre des notaires ?
À cela, Me Potvin répond que conformément à la loi et à sa politique de gouvernance, la Chambre des notaires s’assure « que toute la société bénéficie de ça », par l’entremise de subventions versées à divers organismes.
Sur le site internet de la Chambre des notaires, il est indiqué que le Fonds d’études notariales, créé en 1973, a permis de subventionner « de nombreux projets de recherche et de multiples activités […] dans les domaines du droit et de la justice ». Et la liste est publique, note Me Potvin.
Les cotisations des membres insuffisantes
Appelé par La Presse à commenter, François Dauphin, président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, s’est plongé dans l’étude du plus récent rapport annuel de la Chambre des notaires.
« C’est fait à l’intérieur du cadre légal, mais c’est assez particulier », commence-t-il.
Car si la Chambre des notaires met de l’avant le fait qu’elle distribue l’argent à l’avancement de la profession, elle se retrouve aussi à gérer des fonds considérables, à brasser des affaires et tout cela finit par l’éloigner « de sa mission première qui est de protéger le public ».
« La Chambre des notaires, ce n’est pas la Caisse de dépôt. » (François Dauphin, président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques)
Il sourcille notamment en constatant que la Chambre se verse des fonds à elle-même, pour combler son déficit annuel. Un virement interfonds de 15 millions a été fait du Fonds d’études notariales vers le fonds général, selon le rapport annuel 2020-2021.
Cela signifie que les cotisations des membres sont insuffisantes « pour payer à elles seules les dépenses régulières associées aux activités de la Chambre des notaires », ce qui revient « indirectement à un financement de la cotisation des membres », dit M. Dauphin.
Il se demande si « le gouvernement et l’Office des professions n’auraient pas intérêt à réviser ses règlements » notamment à la lumière du contexte à la Chambre des notaires.
- Mots clés:
- Organismes publics
- Parties prenantes