Qui est cet actionnaire activiste qui s’attaque à Suncor ?
Tiphanie Roquette | ICI - Radio-CanadaL’attaque est arrivée comme une machine bien huilée. La semaine dernière, le fonds d’investissement Elliott Management a présenté publiquement une longue liste de demandes pour remanier l’entreprise pétrolière Suncor. Ce type d’actionnariat activiste est moins courant au Canada, mais selon plusieurs experts, il pourrait être un bienfait pour l’entreprise et le secteur.
Ces dernières années, la pression des investisseurs a plutôt ciblé le bilan environnemental des entreprises pétrolières. L’actionnariat activiste déployé par Elliott Management n’a cependant rien de nouveau, comme l’explique Patric Besner, avocat et vice-président de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques.
Généralement les fonds de couverture, les hedge funds, ont une très grosse concentration de fonds dans quelques compagnies qui sont des compagnies cibles pour eux. Dans le cas d’Elliott, 3,4 % de valorisation de Suncor, c’est énormément d’argent, explique-t-il. Le fonds est très concentré et utilise ça comme levier pour arriver à des résultats à court terme.
Le résultat qu’Elliott Management tente d’obtenir a été exposé clairement dans la lettre envoyée au conseil d’administration de Suncor : améliorer le rendement aux actionnaires.
Pour ce faire, le fonds propose cinq changements, dont la nomination de directeurs choisis par Elliott et une évaluation des actifs de Suncor, notamment les stations-service Petro-Canada.
« Ces propositions-là donnent une sorte de choc à l’entreprise pour générer à très court terme beaucoup de revenus et de valorisation. »
— Une citation de Patric Besner, vice-président de l’IGOPP
Elliott, un expert redouté
En matière d’actionnariat activiste de ce type, Elliott Management s’est créé une solide réputation depuis sa création, en 1977. Chaque fois, l’attaque utilise les mêmes armes : une lettre rendue publique et un site Internet présentant les arguments du fonds d’investissement. Dans le cas de Suncor, 45 pages de matériel rassemblant des dizaines de graphiques et de données ont été rassemblées.
La méthode est éprouvée, selon Saurin Patel, professeur agrégé de finances à l’École de commerce Ivey. Le fonds l’a déjà fait en 2019 pour l’entreprise pétrolière Marathon, un cas que le professeur a étudié.
Ils font leurs devoirs et ciblent bien les entreprises qui peuvent être remaniées, observe-t-il.
M. Patel ajoute que ce type d’activisme a été peu vu au Canada parce que les entreprises pétrolières canadiennes sont généralement bien gérées. La méthode très publique a aussi de quoi rebuter le sens de la politesse canadienne.
Leurs méthodes ne sont pas les plus amicales. Rendre toutes ces informations publiques revient en quelque sorte à dire : « Regardez à quel point vous faites du mauvais travail! » Cela peut être embarrassant pour la direction en place, note Saurin Patel.
« Le but est de semer le doute chez les autres actionnaires, de les forcer à se demander s’ils pourraient gagner plus d’argent. »
— Une citation de Saurin Patel, professeur agrégé de finances
[…]
Une méthode risquée pour l’entreprise
Saurin Patel apporte toutefois une nuance : toute l’entreprise ne ressort toutefois pas gagnante de ce genre d’actions. Certaines recommandations sont difficiles sur la direction et les employés : des licenciements, des réductions de personnel… Elliott est connu pour ses stratégies de réduction de coûts, note-t-il.
Le vice-président de l’IGOPP, Patric Besner, abonde dans le même sens. L’intérêt de l’actionnaire activiste n’est pas que l’entreprise perdure indéfiniment. C’est vraiment de générer du retour à très très court terme, observe-t-il.
Ça brasse le pommier. […] Cela place l’entreprise, non pas dans un mode d’opération de la société, mais dans un mode de contre-attaque et de gestion de cette crise. C’est très énergivore.
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