2 mai 2013

Une nouvelle gouvernance pour l’industrie de la construction et du génie-conseil?

Yvan Allaire | Lesaffaires.com

Il nous faut trouver de toute urgence une solution au dilemme que posent les actes criminels commis par bon nombre d’entreprises du secteur de la construction et du génie-conseil. Comment punir sévèrement ces entreprises sans décimer toute l’industrie et priver le Québec d’une précieuse expertise; comment pénaliser ceux qui doivent l’être mais épargner les honnêtes gens qui, même si à l’emploi de ces firmes, n’ont pas trempé dans ces affaires.

Une première façon, radicale et impitoyable, satisfait au besoin viscéral de punir mais ne résout pas le dilemme: interdire pour cinq ans l’accès aux travaux publics à toute entreprise qui a trempé dans la collusion et la corruption. En généralisant ce type de sanction, on créerait un vide dans l’industrie que l’on ne pourrait combler qu’en faisant appel à des firmes venues d’ailleurs.

Une deuxième façon prend la forme d’opérations comme celle qui a nom « Groupe Hexagone ». Ce modèle de remise à neuf de l’industrie de la construction au Québec comporte les éléments suivants :

  • De nouveaux investisseurs pour racheter les actifs de l’entreprise mise en cause dans les affaires de collusion et de corruption;
  • Un nouveau président-directeur général;
  • Un conseil d’administration composé d’une majorité de membres indépendants choisis pour leur expérience et leur franc-parler.

Toutefois, cet arrangement laisse en suspens la question suivante :

Qui sera responsable, s’il y a lieu, d’effectuer les restitutions monétaires auxquelles pourraient être condamnées les entreprises vendues au nouveau groupe?

Si le Groupe Hexagone a acheté les entreprises, comme le prétend l’information publiée dans les journaux, le nouveau groupe devra assumer toutes les obligations futures des entreprises qu’il a achetées. Si toutefois le Groupe Hexagone n’a acheté que les « actifs » de ces entreprises, le groupe n’assume alors aucune responsabilité pour les pénalités et amendes qu’on pourrait leur imposer à l’avenir. Dans un tel cas, les entreprises vidées de leurs actifs seraient responsables pour ces restitutions mais n’auraient pas les moyens d’y satisfaire.

A-t-on exigé qu’une partie des sommes versées pour cette transaction soient placées en fidéicommis (in trust) pour régler d’éventuelles pénalités auxquelles pourraient être condamnées les entreprises en question?

De toute façon, le modèle Hexagone est de portée limitée et ne correspond pas à la situation de grands groupes de génie-conseil inscrits en Bourse.

Une troisième façon de mettre à neuf l’industrie de la construction et du génie-conseil au Québec pourrait s’appuyer sur deux principes :

  • Tous les cadres et dirigeants d’une entreprise qui ont trempé directement dans les affaires de collusion et de corruption doivent être remplacés;
  • Un fonds collectif d’indemnisation serait créé auquel devrait contribuer toutes les sociétés mises en cause dans ces affaires; la contribution de chaque société serait établie au prorata de la part des contrats obtenus dans le domaine municipal de 2002 à 2009 par chaque firme mise en cause; si le montant du trop-payé en raison de la collusion et de la corruption est établi, disons, à quelque $350 millions, alors une entreprise de construction ou de génie-conseil dont les contrats obtenus représentent 5% de la valeur de tous les contrats devrait verser $17,5 millions au fonds d’indemnisation; le fonds servirait en temps et lieu pour défrayer les pénalités et amendes qui seraient infligées aux entreprises en cause. Éventuellement, les amendes et pénalités pourraient atteindre un montant plus élevé que l’estimé de départ; une contribution au fonds d’indemnisation ne signifie pas qu’il s’agit du montant maximal auquel une entreprise pourrait être condamnée. Toutefois, le montant versé au fonds d’indemnisation dot représenter un fardeau financier substantiel pour les sociétés mises en cause.

Toute entreprise qui satisfait à ces deux principes serait autorisée à reprendre le cours normal de ses activités dans le secteur public de la construction et du génie-conseil au Québec. Toute entreprise qui ne veut ou ne peut rencontrer ces exigences serait exclue des appels d’offres dans le secteur public québécois.

Il me semble que cette troisième voie prend bien en compte la nécessaire pénalisation des sociétés qui ont trempé dans ces affaires mais protège aussi ce qu’il y a de bon et de dynamique dans ce secteur d’activités.

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.