L’inflation fait bondir la rémunération des grands patrons
Les mieux payés au pays ont gagné 243 fois le salaire moyen en 2021
Sylvain Larocque | Le Journal de MontréalÀ 14,3 M$, la rémunération moyenne des 100 PDG les mieux payés au Canada a atteint un nouveau sommet en 2021, propulsée entre autres par la forte inflation.
Le précédent record de 11,8 M$ avait été atteint en 2018, a indiqué mardi le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA).
En 2021, les dirigeants les mieux rémunérés ont gagné 243 fois le salaire moyen au Canada, qui s’élevait alors à 58 800$. Ce ratio était de 227 en 2018 et de 155 en 2009.
«On peut donc dire que moins d’une heure après le début de la première journée de travail de l’année, les PDG les mieux payés au Canada ont déjà gagné 58 800$ en moyenne», constate David Macdonald, économiste principal au CCPA, un organisme soutenu notamment par des syndicats.
M. Macdonald attribue en bonne partie la flambée de la rémunération des grands patrons à l’inflation, qui avait déjà commencé à s’accélérer en 2021 et qui a gonflé les profits de plusieurs grandes entreprises.
Le pactole des bonis
«On pense que l’inflation est mauvaise pour tout le monde, mais pour les PDG, c’est un pactole infini, dénonce le spécialiste. Des profits historiquement élevés fondés sur une inflation historiquement élevée se sont traduits par des bonis historiquement élevés pour les PDG.»
François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance, un organisme soutenu par plusieurs grandes entreprises, remet toutefois en question l’impact de l’inflation sur la hausse de la rémunération des dirigeants.
«Je ne dirais pas que c’est directement lié à l’inflation, mais davantage au fait qu’au terme de l’année 2021, tout était en hausse en Bourse, affirme-t-il. Comme plusieurs PDG sont payés en actions et en options d’achat d’actions […] ç’a pu donner un portrait en partie surévalué comparativement à la rémunération des années précédentes. Pour 2022, on devrait avoir des chiffres qui reviennent un peu plus à la normale.»
Un Québécois au sommet
C’est le Québécois Philip Fayer, PDG de Nuvei, qui a eu droit à la rémunération la plus élevée au pays en 2021, soit 141 M$. La majeure partie de sa rémunération était justement composée d’actions et d’options dont la valeur a chuté en 2022.
Willie Gagnon, directeur du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), estime que la rémunération des dirigeants devrait tenir compte d’«indicateurs sociaux» comme l’inflation et la rémunération moyenne.
M. Dauphin n’est pas contre l’idée. «On s’attend à ce qu’il y ait une rémunération qui soit plus alignée sur la performance – pas seulement financière, mais également sociale et environnementale», dit-il.
Des 100 PDG les mieux payés au pays, dix-neuf sont à la tête d’entreprises dont le siège social est situé officiellement au Québec. Et à peine trois sont des femmes.