5 juillet 2013

Projet de modification du régime d’offres publiques d’achat au Canada

L’IGOPP soumet ses commentaires à l’AMF et aux ACVM

Yvan Allaire | IGOPP

Encadrer les offres publiques d’achat hostiles : Redonner aux conseils d’administration l’autorité d’agir dans l’intérêt à long terme de la société comme le dicte la loi.

Le 13 mars 2013, les ACVM ont publié, pour commentaires, des propositions de modifications et de changements au Règlement 62-104 sur les offres publiques d’achat et de rachat, à l’Instruction générale 62-203 relative aux offres publiques d’achat et de rachat et au Règlement 62-103 sur le système d’alerte et questions connexes touchant les offres publiques et les déclarations d’initiés. Le 14 mars, les ACVM ont publié un avis de consultation sur le Règlement 62-105 sur les régimes de droits des porteurs, qui établirait un cadre réglementaire complet pour le traitement des régimes de droits au Canada.

L’IGOPP soumet aujourd’hui ses commentaires aux Autorités des marchés financiers et aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières dans lequel il indique que le temps est venu de modifier et de moderniser la réglementation archaïque et obsolète des offres publiques d’achat au Canada.

Les commissions en valeurs mobilières provinciales, sous la coordination des Autorités canadiennes en valeurs mobilières, doivent élaborer un cadre de réglementation des offres publiques d’achat conforme aux lois et à la jurisprudence canadiennes.

  • La gouvernance des sociétés canadiennes respecte déjà des principes défendus par les investisseurs activistes aux États-Unis, soit l’élimination des conseils d’administration renouvelables par tranches et la séparation des postes de président du conseil et de chef de la direction, deux principes de gouvernance qui facilitent la réalisation d’une offre publique d’achat hostile. Conjuguées à la pratique très répandue voulant que les membres des conseils soient élus à la majorité, ces caractéristiques de la gouvernance des sociétés canadiennes donnent aux actionnaires les moyens de punir les conseils qui ne s’acquittent pas correctement de leurs obligations ;
  • L’actionnariat a beaucoup changé depuis 1987 ; dès qu’une offre d’achat est annoncée publiquement, les calculs financiers des actionnaires, conjugués aux actions des fonds spécialisés, transforment radicalement et rapidement l’actionnariat de la société cible. La notion selon laquelle ces nouveaux actionnaires sont les « propriétaires » de la société et les seuls « décideurs » de son sort et ont besoin de la protection bienveillante des commissions des valeurs mobilières afin de contrer des dirigeants malveillants et en conflit d’intérêts semble reposer sur un scénario imaginatif décrivant une époque révolue ;
  • Cette conception du rôle des commissions des valeurs mobilières est incompatible avec la Loi sur les sociétés par actions (Canada) et la jurisprudence de la Cour suprême. Il est grand temps que les ACVM rendent leur réglementation conforme au droit canadien ; il n’est pas du rôle des commissions des valeurs mobilières de limiter le pouvoir et la responsabilité des administrateurs d’agir dans l’intérêt à long terme d’une société à l’égard des offres publiques d’achat, puisque la décision d’accepter ou non une offre d’achat est primordiale pour les intérêts à long terme d’une société et de ses parties prenantes ;
  • L’étrange notion selon laquelle les dirigeants sont automatiquement opposés à une prise de contrôle en raison de conflits d’intérêts inhérents doit être revue. En effet, en raison de l’évolution des systèmes de rémunération des dirigeants et des administrateurs, on doit maintenant plutôt craindre que les dirigeants et les administrateurs soient trop réceptifs à une offre publique d’achat qui n’est peut-être pas dans l’intérêt de la société et de ses parties prenantes. Le conflit d’intérêts potentiel s’est inversé. Les commissions des valeurs mobilières doivent être conscientes de ce phénomène et instaurer des mesures afin de limiter ce type de conflits d’intérêts.

Pour tous ces motifs, l’IGOPP et son conseil d’administration* appuient résolument les propositions de l’AMF et enjoignent les autres commissions des valeurs mobilières provinciales à participer à ces travaux cruciaux visant à moderniser la réglementation des offres publiques d’achat au Canada.

*Toutefois, conformément à la politique de l’AMF, M. Louis Morisset de l’Autorité des marchés financiers, s’est abstenu.