2 juillet 2024

Le Massif de Charlevoix n’a pas besoin d’acceptabilité sociale

Félix Lajoie | Le Soleil

Malgré la grogne récente des locaux, le Massif de Charlevoix n’a pas besoin de l’acceptabilité sociale des Charlevoisiens et des Québécois, soutiennent des experts. Même si la montagne reçoit des centaines de millions en prêts et subventions du gouvernement.

Les citoyens de Petite-Rivière-Saint-François et des environs se sont plaints, en janvier dernier, du manque d’accessibilité de la montagne. Ils ont entre autres déploré que les élèves du village ne puissent plus skier au Massif dans le cadre de sorties scolaires, faute de prix assez abordables pour le Centre de services scolaires.

Des citoyens avaient ainsi cosigné une lettre publiée dans plusieurs médias, dont Le Soleil, s’interrogeant sur l’apport de fonds publics dans les développements passés et futurs de la station.

«Groupe Le Massif aurait-il créé un gouffre sans fond et serait-il à l’abri d’une reddition de comptes? Nos gouvernements doivent exiger un bilan, de la pondération et un retour aux engagements de départ», dénonçait la lettre, qui soulignait un soutien financier du gouvernement de l’ordre de 100 millions de dollars.

Or, selon les demandes d’accès à l’information effectuées par Le Soleil, les gouvernements québécois et canadiens ont alloué 198 882 547 $ au Groupe Le Massif et aux différentes entités qui forment le projet récréotouristique depuis 2007.

Pas leur modèle d’affaires

Vice-présidente à l’Institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées, Alexandra Langelier soutient que les communautés d’accueil d’entreprises doivent «faire partie prenante» des projets comme le Massif.

« Il faut aller consulter les citoyens et rendre des comptes. On ne peut pas souhaiter avoir 100 % d’acceptabilité sociale de toutes les parties, mais il faut quand même tenir compte de leurs objectifs et besoins », indique Mme Langelier.

D’un autre côté, Guillaume Tremblay-Boily, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) souligne que c’est un cas «classique d’une entreprise qui vise une clientèle internationale».

«On comprend que toutes les problématiques vécues par les locaux s’inscrivent dans la logique de stratégie d’affaires de l’entreprise, ce ne sont pas de mauvaises intentions ou un hasard», tranche-t-il.

Renaud Brossard, vice-président aux communications à l’Institut économique de Montréal (IEDM), concède pour sa part que la grogne des citoyens est «compréhensible et légitime», vu les montants accordés par les différents paliers de gouvernements.

«Si le Massif veut faire une montagne plus exclusive, c’est leur choix, mais ils ne devraient pas le faire avec l’argent des Québécois et Québécoises. Donc moi je ne vois pas de problème avec la politique de prix, mais bien avec les subventions», soutient-il.

Plus de compte à rendre

Tout en soulignant qu’elle ne connaît pas tous les détails des nombreux prêts et subventions accordées au Massif, Mme Langelier soulève que le gouvernement devrait peut-être resserrer ses conditions et exiger plus d’accessibilité pour les locaux lorsqu’elle soutient des projets.

M. Tremblay-Boily abonde dans le même sens: «On pourrait s’attendre à ce que le gouvernement soit plus sévère» face à l’implantation de gros projets dans les communautés.

«Il pourrait imposer des conditions de redistribution d’une partie des profits dans la communauté ou imposer une transparence totale sur la situation financière de l’entreprise et les études sur les retombées.»

—  Guillaume Tremblay-Boily, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS)

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