13 octobre 2023

La performance des sociétés canadiennes contrôlées inscrites au S&P/TSX

Les effets favorables d’une vision à long terme sur les considérations environnementales, sociales et sur le rendement des actionnaires

François Dauphin | IGOPP

Les entreprises familiales constituent l’assise fondamentale des économies de marché. Ces entreprises sont souvent empreintes d’une culture forte ancrée dans les valeurs du fondateur, et cette culture se développe, s’affermit au fil du temps, parfois même au-delà des premières générations qui se succèdent à la direction de la société familiale. Ces sociétés ont tendance à prendre des décisions en fonction d’un horizon à long terme, en considération de l’ensemble de leurs parties prenantes et de l’environnement, car il est naturel pour ces sociétés de vouloir s’assurer que les conditions futures demeureront favorables. C’est l’essence-même d’une création de valeur durable.

Au fil de leur croissance, les plus grandes de ces entreprises ont éventuellement dû faire un appel à l’épargne public. Soucieux de maintenir le contrôle sur les activités de l’entreprise, d’y conserver une culture qui reflète les valeurs à la source des succès passés de la société, ces entrepreneurs-fondateurs souhaitaient préserver le caractère unique de leur entreprise et assurer leur capacité de continuer à insuffler leur vision à long terme malgré la présence de nouveaux actionnaires, anonymes et changeants pour la plupart.

En vertu des impératifs qui leur étaient propres au moment de l’introduction en bourse de leur entreprise, certains entrepreneurs-fondateurs n’avaient pas la possibilité de lever les fonds requis sans diluer leur participation en-deçà du niveau nécessaire au maintien du contrôle, ou ne souhaitaient pas que ce risque se matérialise éventuellement. Ils ont alors fait appel à des mécanismes leur assurant le maintien du contrôle, notamment par l’utilisation de différentes classes d’actions (DCA) conférant à chacune des droits particuliers (multiples droits de vote pour l’une des classes, par exemple, ou des droits exclusifs de nomination de membres au conseil d’administration de façon à en maintenir une majorité).

Que le contrôle soit exercé par une participation directe ou par le recours à une structure DCA, ces sociétés sont fréquemment ciblées par des catégories d’investisseurs qui jugent que leur gouvernance est déficiente, du moins selon les balises établies pour les entreprises ayant un actionnariat diffus (sans actionnaire de contrôle). Ces critiques sont souvent encore plus acerbes à l’endroit des sociétés DCA, en raison du contrôle exercé sans une participation économique à la hauteur des droits exclusifs de nomination ou encore du pourcentage des votes exercés. Plusieurs groupes de pression militent fortement pour l’élimination de toute forme de structure DCA.

Ces critiques sont-elles justifiées ? Est-ce que la performance économique, sociale et environnementale à long terme des sociétés canadiennes contrôlées inscrites en bourse vient sanctionner cette perception de « mauvaise gouvernance » ?

Ces sujets, âprement débattus sur les différentes tribunes en gouvernance, ont également fait l’objet de beaucoup de recherches dans les cercles académiques. Car si des voix s’élèvent contre le maintien du contrôle par des actionnaires fondateurs et leur famille, d’autres se font de plus en plus entendre afin de permettre à de nouvelles générations d’entrepreneurs d’utiliser des structures DCA. Plusieurs pays ont récemment revu leurs règles afin de les autoriser sur leurs principales places boursières, et d’autres – comme la France ou l’Allemagne – considèrent sérieusement le faire dans un proche avenir.

Notre étude vise dans un premier temps à situer le débat et à faire une synthèse des conclusions et résultats provenant des recherches les plus récentes. Ensuite, nous avons comparé la performance des sociétés canadiennes contrôlées appartenant à l’indice S&P/TSX à celle de sociétés canadiennes à actionnariat diffus issues du même groupe. Les comparaisons ont porté autant au niveau des scores ESG (performance Environnementale, Sociale et en termes de scores de Gouvernance) que du rendement total pour les actionnaires sur des périodes de 5 et 10 ans.