Fonds FTQ – Un « montant exceptionnel » pour compenser l’absence de prime des patrons
Stéphane Rolland | La Presse Canadienne(Montréal) Les hauts dirigeants du Fonds de solidarité FTQ n’ont pas eu droit à une prime, car la cible financière fixée par le conseil d’administration n’a pas été atteinte. « Un montant exceptionnel » est toutefois venu en partie combler ce manque à gagner.
La présidente et cheffe de la direction, Janie Béïque, n’a pas eu droit à sa prime pouvant atteindre 10 % « du milieu de sa classe salariale », ce qui représente plus de 70 000 $.
Par contre, Mme Béïque a eu droit à un « montant exceptionnel » de 68 896 $ au cours de l’exercice clos le 31 mai dernier, selon des documents réglementaires déposés par le Fonds FTQ.
Au Fonds FTQ, on répond que le montant, bien que similaire, n’a aucun lien avec la prime qui n’a pas été accordée. « C’était pour compenser la baisse de la rémunération totale entre 2022 et 2023 », affirme la porte-parole Frédérique Lavoie-Gamache.
La rémunération totale de Mme Béïque a effectivement diminué de 155 000 $ de 2022 à 2023, pour s’établir à 1,19 million.
Or, cette baisse est attribuable à une diminution de 156 000 $ de la valeur de la contribution de l’employeur au régime de retraite. De manière générale, le coût actuariel d’une promesse de rente dans l’avenir diminue lorsque les taux d’intérêt augmentent.
La similitude entre le « montant exceptionnel » et la prime perdue « étonne » le professeur et codirecteur du Centre d’études en droit économie de l’Université Laval Ivan Tchotourian. « On a l’impression qu’ils n’ont pas pu avoir d’attributions fondées sur des actions, mais que, du coup, on a cherché à compenser ça », répond l’expert en entrevue.
Bien que la rémunération des dirigeants prévoie une composante variable, le montant exceptionnel donne la perception que la rémunération ne peut pas vraiment varier à la baisse, souligne M. Tchotourian.
« On a l’impression que les dirigeants ne sont jamais perdants en termes de rémunération. Même si on n’atteint pas les résultats, on trouve une espèce de stratégie pour arriver finalement à une rémunération à peu près équivalente à celle de l’année d’avant. Une rémunération n’a pas à être équivalente en soi, surtout qu’il y a des critères variables. »
Le conseil d’administration du Fonds de solidarité doit toutefois s’assurer de retenir ses dirigeants dans un secteur où les rémunérations sont élevées, souligne le directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), François Dauphin, en entrevue. Il note que la part variable de la rémunération dans l’enveloppe totale demeure relativement petite au Fonds de solidarité par rapport à ce qui s’observe dans l’industrie financière.
Un « manque de transparence »
Dans le document, le fonds explique que l’employeur a versé « à quelques personnes » des montants afin de pallier « partiellement » une diminution de la rémunération entre 2022 et 2023.
Le « montant exceptionnel » contient aussi une compensation liée au coût de la vie, calculée selon la même formule que les employés syndiqués du fonds. L’an dernier, ce montant exceptionnel était de 3793 $ pour Mme Béïque.
Les explications dans le document ne sont pas suffisamment explicites pour savoir ce qui est lié à la compensation de l’inflation et ce qui remplacerait la prime perdue, déplore M. Tchotourian. « Ce n’est pas clair. On n’en dit pas assez. »
M. Dauphin concède également que les documents du Fonds de solidarité auraient pu être plus transparents à cet égard. « Il aurait été de bon aloi de fournir un peu plus d’explications sur cet aspect-là parce que ça met un doute sur les cinq dirigeants. On ne sait pas qui a touché quoi. On n’a pas cette explication précise. »