Et si Ottawa n’intervenait pas pour sauver SNC-Lavalin ?
Ximena Sampson | ICI - Radio-CanadaL’ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould soutient avoir subi des pressions inappropriées pour sauver la firme d’ingénierie, le bureau du premier ministre le nie. Au-delà des enjeux d’ingérence politique, une grande question demeure : SNC-Lavalin peut-elle survivre à un procès au criminel sans la conclusion d’un accord de poursuite suspendue? Voici six questions pour comprendre pourquoi la sauvegarde de l’entreprise est si controversée.
Pourquoi SNC-Lavalin est-elle sur la sellette?
La firme de génie-conseil est visée par des accusations de fraude et de corruption déposées en 2015 par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) concernant des gestes qui auraient été posés en Libye entre 2001 et 2011. Selon la GRC, la firme aurait versé 47,7 millions de dollars à des titulaires de charges publiques libyens dans le but d’influencer les décisions gouvernementales.
La multinationale a aussi été éclaboussée par des histoires en lien avec des contrats en Algérie, au Cambodge et au Bangladesh dans les années 2000. À l’issue d’une enquête sur des allégations de complot de corruption dans ce dernier pays, une filiale du groupe a été radiée pendant 10 ans des projets financés par la Banque mondiale.
SNC-Lavalin a également accepté de payer 1,5 million de dollars et de respecter une série de conditions afin de pouvoir continuer de faire des affaires en Afrique, à la suite d’allégations de corruption au Mozambique et en Ouganda.
Au Québec, d’anciens cadres de SNC-Lavalin ont eu des démêlés avec la justice en lien avec l’obtention du contrat de construction du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).
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Devrait-elle être sauvée?
Si SNC-Lavalin est condamnée au Canada, il est très peu probable que d’autres gouvernements veuillent retenir ses services, pense Yvan Allaire, président exécutif du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance.
Est-ce que les crimes commis par l’entreprise méritent la peine de mort? (Yvan Allaire, président exécutif du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance)
« Il faut leur permettre de se réinventer », renchérit M. Hébert, qui donne l’exemple de l’allemande Siemens, impliquée dans un scandale de corruption et qui a conclu en 2008 une entente à l’amiable avec les autorités pour mettre un terme aux poursuites.
Il faut aussi réaliser que SNC-Lavalin n’est pas pire que d’autres multinationales, pense Karl Moore, et adopter une approche plus clémente, puisque l’entreprise a mis en place des mesures pour corriger les problèmes.
SNC-Lavalin réclame l’accès à un accord de réparation, une disposition qui lui est jusqu’à maintenant refusée.
En place dans plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, ces accords permettent la suspension des poursuites pénales contre une entreprise, lorsque celle-ci s’engage à admettre les faits, à payer une pénalité et à coopérer avec les autorités. Lorsque les conditions sont remplies, les accusations sont levées.
Le but de la démarche est d’éviter les conséquences négatives d’un procès au criminel pour les employés, les fournisseurs, les sous-traitants et les retraités de l’entreprise accusée.
« Le Royaume-Uni, la France, les États-Unis ou l’Australie, qui sont des pays auxquels on peut se comparer du point de vue des standards éthiques, auraient eu une approche plus positive envers un de leurs leaders mondiaux », affirme M. Moore.
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Une entreprise peut-elle faire affaire avec des États émergents sans se prêter à la corruption?
Si une entreprise décide d’aller dans un pays « à haut risque », elle doit mettre en place des balises spéciales pour s’assurer de ne pas avoir à verser de pots-de-vin, explique Yvan Allaire, notamment en encadrant le travail des facilitateurs locaux.
« Il y a des pays qui sont tellement bas sur l’indice de Transparency International qu’on devrait éviter d’essayer d’y obtenir des contrats, parce que c’est sûr qu’on va devoir soudoyer quelqu’un », soutient M. Allaire.
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