30 septembre 2022

Dans l’ombre, la firme McKinsey était au cœur de la gestion de la pandémie au Québec

Le gouvernement Legault n’a pas tout dit du rôle joué par les consultants, payés 35 000 $ par jour.

Thomas Gerbet | ICI - Radio-Canada

Le 14 décembre 2020, alors que les tout premiers vaccins viennent d’être injectés aux Québécois, le directeur de la campagne de vaccination Daniel Paré reçoit un courriel d’une associée du cabinet-conseil McKinsey : « Bravo pour cette première journée qui se déroule bien. Voici mes notes sur les suivis (action, responsable, délais). N’hésitez pas à faire des changements. »

En coulisses, McKinsey a joué un rôle central dans le plan de match de la campagne de vaccination au Québec, en s’appuyant sur son expérience avec d’autres États, révèle une enquête de Radio-Canada. Mais le cabinet-conseil américain a fait plus que ça.

En mai 2020, le gouvernement Legault avait rejeté une demande des partis d’opposition pour rendre publique la transmission de tous les avis et documents produits par la firme.

Radio-Canada a pu reconstituer plus précisément le rôle joué par McKinsey par l’intermédiaire de plus de 200 courriels, des contrats et des documents de travail. Certains de ces éléments ont été obtenus de sources, d’autres par des demandes d’accès à l’information.

Les documents confidentiels que nous avons obtenus démontrent que les consultants privés ont contribué à des décisions cruciales durant la pandémie en donnant des conseils au gouvernement Legault, notamment pour la stratégie de communication. Ils ont élaboré des scénarios d’achats d’équipements de protection et travaillé à la stratégie de tests PCR. Ils ont aussi proposé des solutions pour remédier à la pénurie de personnel en CHSLD.

La firme privée a coordonné les équipes décisionnelles et convoqué les hauts fonctionnaires qu’elle voulait, en rencontre de groupe comme en rencontre individuelle. On voit même un associé de McKinsey tutoyer le secrétaire général du gouvernement, Yves Ouellet, le plus haut fonctionnaire de l’État québécois.

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Des experts partagés

Selon l’avocat Patric Besner, vice-président de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), une aide externe était peut-être nécessaire pour coordonner le travail de plusieurs ministères sur une même gestion de crise. Je ne vois pas de problématique dans le principe, devant l’ampleur de la situation et voyant que les ressources étaient très limitées à l’interne.

Le professeur titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM Benoit Duguay est quant à lui renversé par les réalisations de McKinsey durant son mandat. Ce n’est pas le genre de rôle que j’ai l’habitude de voir dans un cabinet-conseil.

« Il faut faire une distinction entre l’interne et l’externe dans un gouvernement. Comment se fait-il qu’un cabinet-conseil soit dans une relation aussi proche? » (Une citation de  Benoit Duguay, professeur titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM)

L’expert admet que l’appareil gouvernemental est très lourd : Peut-être que c’était pour aller plus vite, parce qu’on était dépassés par les événements, parce que la pandémie était horrible et c’était peut-être la bonne chose à faire.

En revanche, Benoit Duguay reproche au gouvernement d’avoir manqué de transparence quant au rôle joué par McKinsey : S’ils sont venus nous aider et si on leur doit une fière chandelle, alors dites-nous ce qu’ils ont fait, qu’on aille les remercier.

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