Comment les marchés financiers en viennent à dénaturer les entreprises
Au moment où les dirigeants politiques et économiques réunis au Forum de Davos s’inquiètent de l’avenir du capitalisme tel que pratiqué depuis quelques années, les professeurs Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu, dans un nouvel ouvrage intitulé « A Capitalism of Owners », proposent un plan d’action pour changer fondamentalement le fonctionnement du capitalisme. Il faut, écrivent-ils, ramener un certain niveau de confiance et de loyauté au sein et autour des sociétés commerciales, une perspective à long terme dans leur gestion et leur gouvernance ainsi que favoriser une prise en compte dans leurs décisions de toutes les parties prenantes qui donnent aux entreprises leur légitimité et leur raison d’être.
Leur nouveau livre raconte des « contes financiers » pour rendre bien tangible comment le capitalisme financier fonctionne, comment les marchés financiers mettent les dirigeants d’entreprises à leur service par un pacte faustien et comment ils contaminent par une cupidité contagieuse les moindres racoins de la société civile.
Les auteurs mènent un assaut frontal contre les politiques néolibérales proposant des gouvernements faibles et des marchés dérèglementés. Ils décrivent et illustrent de plusieurs exemples la logique corruptrice des marchés financiers.
Ils démontrent qu’une société fonctionne mieux quand elle comporte des formes variées de propriété des entreprises, allant d’entreprises familiales, de coopératives, aux sociétés privées ou inscrites en Bourse mais avec actionnaires de contrôle, etc.
Ils proposent de changer les règles de la « démocratie des entreprises » pour les grandes sociétés cotées en bourse et dont les actions sont largement distribuées.
Dans un chapitre élaboré, les auteurs examinent l’enjeu de la rémunération des dirigeants et formulent certaines recommandations radicales pour « trancher le nœud Gordien », « pour tisser un nouveau maillage de motivations et d’intéressement dans les entreprises. »
Le livre appelle les gouvernements à établir des règles du jeu équitables et à adopter une politique de réciprocité dans leurs négociations avec d’autres gouvernements.
« Les politiques que nous proposons vont sans doute engendrer de grandes résistances, écrivent les auteurs, et être accueillies avec scepticisme ou fatalisme. Mais dans un système politique vraiment démocratique, ces politiques, si mises en œuvre, pourraient ramener un peu de bon sens et d’équité dans notre système économique. »
En effet, les recommandations des auteurs visent à donner à la société civile un sentiment de propriété véritable et légitime de ses entreprises et de ses ressources, à responsabiliser celles-ci pour les enjeux socio-économiques et environnementaux et donner au secteur public un rôle à la mesure des défis de la société moderne.
Notre système économique est le résultat de décisions politiques et non le produit de quelque force transcendantale.
Des humains ont conçu ce système ; des humains peuvent le changer.
À propos des auteurs :
Professeurs Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu sont les auteurs du livre « Black Markets and Business Blues », publié en 2009 qui s’est mérité le prix argent de l’American Association of Independent Publishers.
M. Yvan Allaire est membre du « Global Council on the Role of Business of the World Economic Forum » et président exécutif du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP).