Commission nationale des valeurs mobilières
Contribuables et entreprises paieront le prix
Yvan Allaire et Michel Nadeau | IGOPPOn comprend mieux maintenant l’obsession de M. Jim Flaherty pour la création d’une Commission nationale. Le ministre des Finances voulait ainsi doter le Canada d’un autre projet d’infrastructure dont il a dévoilé le coût mardi soir : 154 millions $ seulement pour l’exercice 2009-2010 (p.102 du Discours budgétaire).
On comprend la volonté de M. Flaherty de dépenser pour relancer l’économie canadienne mais ces 154 millions $ pour la création d’une Commission nationale mettent un sérieux bémol à l’argument des économies qui seraient réalisées avec une seule commission des valeurs.
Cette dépense semblera insignifiante cependant s’il devait s’avérer que toutes les entreprises réglementées par un organisme national et fédéral devront désormais assurer aux investisseurs canadiens une information dans les deux langues officielles du pays.
En effet, le rapport Hockin propose que les émetteurs puissent choisir d’être réglementés par le nouvel organisme national et fédéral plutôt que par la commission de la province où l’émetteur tient son siège. Cela signifie-t-il que cette commission nationale et fédérale devra imposer aux émetteurs d’informer les investisseurs dans les deux langues officielles du Canada?
En effet, comment justifier qu’un investisseur francophone où qu’il réside au Canada ne puisse recevoir en français tous les rapports annuels et autres documents financiers publiés par une entreprise cotée en bourse et réglementée par un organisme fédéral. Le consommateur canadien de céréales est informé dans les deux langues officielles du contenu de la boite de céréales, peu importe dans quelle ville canadienne il prend son petit-déjeuner. En serait-il autrement pour un organisme national chargé de s’assurer que les investisseurs canadiens sont bien informés dans leur langue officielle?
Soyons concret. La société Visa Inc. a fait son entrée en bourse au printemps de 2008. Or, pour éviter les coûts et les délais de traduction du prospectus (503 pages) requis pour cette opération (ainsi que tous les autres documents afférents), la société Visa a choisi de ne pas faire appel aux investisseurs du Québec. Comment cela serait-il possible avec une commission nationale? Comment un organisme fédéral pourrait-il avaliser une telle situation, où les investisseurs francophones du Québec et hors Québec sont privés d’information en français?
Cela est loin d’être un détail. Obtenir des traductions juridiquement valables de tous ces documents impliquerait des coûts énormes. À ce jour, seulement 81 des 253 plus grandes entreprises cotées en bourse au Canada (37 %), soit les entreprises de l’indice TSE/S&P, publient leur rapport annuel dans les deux langues officielles. Et seulement 60 % d’entre elles offrent une version française de leur très importante circulaire d’information de la direction, le document où l’on trouve des renseignements sur la rémunération des cadres, où l’on propose les candidats aux postes de membres du conseil ainsi que toutes les résolutions spéciales devant faire l’objet d’un vote lors de l’assemblée générale des actionnaires.
Une plus grande proportion des milliers de petites et moyennes entreprises cotées en bourse au Canada devrait assumer les importants coûts de traduction de tous leurs documents transmis aux investisseurs. Les tenants d’une commission nationale et fédérale des valeurs mobilières doivent répondre à cette question avant de pousser trop avant ce projet controversé.
Si une commission nationale et fédérale devait imposer que tous les documents transmis aux investisseurs soient produits dans les deux langues officielles, le coût serait astronomique. Le maintien de la situation actuelle, qui satisfait tout le monde en dehors de Toronto et d’Ottawa, permettrait d’économiser 154 millions $ et d’épargner des dizaines de millions en frais de traduction aux entreprises canadiennes qui ont actuellement bien d’autres priorités.