Entreprises cotées en Bourse: La divulgation de la rémunération des patrons appelée à changer
Richard Dufour | La PresseLes palmarès dévoilant la rémunération des hauts dirigeants sont appelés à changer. De nouvelles règles adoptées jeudi par la Securities and Exchange Commission (SEC) permettront aux entreprises de présenter ces informations de façon plus nuancée afin de mieux refléter la réalité.
Le gendarme boursier américain exigera à compter de décembre que les entreprises présentent annuellement un nouveau tableau faisant état de la rémunération « réelle » des dirigeants en excluant certains éléments, notamment l’attribution de titres non encore acquis (actions et options).
« Ça donnera une approximation beaucoup plus réelle de la rémunération », commente François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance.
« On souhaitait associer une véritable relation entre la rémunération effectivement payée et la performance de l’entreprise, ce qu’il était impossible de faire avec la façon dont la divulgation est prévue actuellement. Un tableau nous donnera maintenant cette information beaucoup plus pertinente pour les investisseurs. »
Le grand patron de la Securities and Exchange Commission, Gary Gensler, soutient que l’organisation qu’il dirige reconnaît depuis longtemps la valeur de l’information entourant la rémunération des dirigeants.
Il affirme que les nouvelles règles « faciliteront » l’évaluation par les investisseurs de la prise de décision en regard des politiques de rémunération.
« Ça permettra aux investisseurs d’obtenir les informations cohérentes, utiles et comparables dont ils ont besoin pour évaluer les politiques », soutient-il par communiqué.
Des mesures de performance de l’entreprise devront apparaître dans le nouveau tableau exigé par la SEC, comme le rendement total pour les actionnaires ainsi que celui pour un groupe d’entreprises comparables.
En vertu des nouvelles règles, la SEC demande aussi aux entreprises de fournir une description claire de la relation entre la performance financière et la rémunération des dirigeants.
Bientôt au Canada ?
Si de telles règles sont adoptées aux États-Unis, François Dauphin dit qu’il faut s’attendre à ce que le Canada emboîte le pas dans les mois à venir, car les attentes des investisseurs sont les mêmes des deux côtés de la frontière.
Il voit évidemment d’un bon œil les changements à venir.
On est parfois scandalisé en voyant des montants, alors que dans la réalité, ces sommes ne se concrétiseront jamais. (François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance)
En 2015, la société pharmaceutique lavalloise Valeant (aujourd’hui connue sous le nom de Bausch Health) avait dévoilé une rémunération de 123 millions US pour ses cinq principaux dirigeants, en hausse de 100 millions sur un an en raison essentiellement de l’attribution de titres. « Mais l’action s’était écroulée cette année-là et les titres valaient zéro finalement », dit François Dauphin.
Il souligne également le cas de Nuvei où la rémunération des dirigeants a semblé « faramineuse » pour la première année en Bourse du fournisseur montréalais de solutions de paiement électronique. Surtout composée de primes en actions et d’options, la valeur déclarée de la rémunération du fondateur et PDG de Nuvei, Philip Fayer, a dépassé 140 millions l’année dernière.
Le cas Coveo
Le cas de l’entreprise québécoise Coveo est un autre exemple où la divulgation de la rémunération des dirigeants a récemment pu faire écarquiller les yeux au premier coup d’œil.
« Dans une situation comme la nôtre, la rémunération donne un résultat grossier », commente le directeur des affaires légales et corporatives chez Coveo, Jérémie Ste-Marie.
Il fait référence à la rémunération totale de 12,9 millions pour l’exercice 2022 du grand patron de Coveo dévoilée ce mois-ci dans la circulaire de direction de l’entreprise de Québec spécialisée dans l’intelligence artificielle appliquée au commerce électronique.
Sur les 12,9 millions de la rémunération totale attribués à Louis Têtu, 12 millions proviennent du calcul de la valeur de ses options d’achat d’actions, qu’il ne pourra commencer à exercer avant que le titre de Coveo ne triple par rapport à sa valeur actuelle.