30 mai 2020

Sophie Brochu: la pionnière

Hélène Baril | La Presse

Depuis la création d’Hydro-Québec en 1944, 15 présidents-directeurs généraux se sont succédé à sa tête. Celle qui vient d’être nommée, Sophie Brochu, est la première femme à accéder à ce poste. C’est aussi la première personne à apporter une expérience aussi solide du secteur de l’énergie. Portrait d’une dirigeante aux multiples facettes.

Sophie Brochu a découvert le monde de l’énergie il y a plus de 30 ans quand elle était à l’Université Laval, grâce à un professeur et un job d’été, à la Société québécoise d’initiatives pétrolières (SOQUIP), la société d’État qui rêvait de trouver du pétrole au Québec.

Elle n’en est jamais sortie. Après la SOQUIP, où elle a passé 10 années, ce fut Gaz Métro, pendant 17 ans comme vice-présidente d’abord et comme présidente et chef de la direction.

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Robert Tessier est du même avis. « Je n’ai jamais rencontré personne qui a une communication aussi géniale que Sophie Brochu », affirme celui qui est président du conseil d’administration de la Caisse de dépôt depuis 2009.

Sophie Brochu a été la première personne que Robert Tessier a embauchée quand il a pris la tête de Gaz Métro. Le distributeur gazier a ensuite diversifié ses activités dans le solaire et l’éolien et changé son nom pour celui d’Énergir, sous la gouverne de Sophie Brochu. Cette dernière considère qu’elle doit beaucoup à Robert Tessier, qui lui a laissé une entreprise « agile », « capable de faire plein de trucs ».

« Je lui ai fait de la place parce qu’elle était capable d’en prendre, rétorque-t-il. Je n’ai pas eu besoin de lui écrire des scripts. »

Il admire réellement son talent naturel de communicatrice.

L’ancien secrétaire au Conseil du trésor a aussi été un des dirigeants de la Société générale de financement de la grande époque des années 80. Il en a côtoyé des dirigeants dans sa vie. Sophie Brochu fait partie de ceux qu’il juge exceptionnels, avec peut-être Michael Sabia et Serge Godin, le fondateur de CGI. « Des gens qui durent, qui ont une vision et qui interviennent dans plusieurs segments de la société », précise-t-il.

Hydro-Québec changera, prédit Robert Tessier. « Pour le mieux. »

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Autre nouveauté, la PDG d’Hydro a abandonné deux des trois conseils d’administration auxquels elle siégeait comme dirigeante d’Énergir, mais elle garde celui de la BMO, malgré les risques de conflit d’intérêts.

Hydro-Québec est un important emprunteur qui traite avec des syndicats financiers formés des principales institutions financières pour ses émissions de titres. « Il faudra voir si la BMO peut être empêchée d’en faire partie et si la banque a évalué cette possibilité », avance Yvan Allaire, spécialiste de la gouvernance qui connaît bien Hydro-Québec.

Sophie Brochu assure qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts, mais plutôt des avantages à ce que la patronne d’Hydro-Québec sache ce qui se passe dans le secteur financier.

« Le fonds de retraite d’Hydro-Québec, c’est 25 milliards, alors vous voulez avoir quelqu’un capable de poser des questions et de comprendre les réponses », a-t-elle soutenu récemment dans une entrevue à la radio de Radio-Canada.

Yvan Allaire est enclin à lui donner raison. « Il est assez raisonnable de penser que cette expérience lui sera utile », dit-il, à condition de prendre les précautions d’usage pour éviter non seulement les conflits d’intérêts, mais aussi les apparences de conflits d’intérêts qui peuvent survenir.

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