Vague de démissions à La Pépinière espaces collectifs
Nancy Caouette | ICI - Radio-CanadaL’organisme La Pépinière espaces collectifs, connu pour ses aménagements urbains novateurs comme le Village au Pied-du-Courant ou Les Jardineries au Parc olympique, a perdu plus de 20 employés en 2018 et en 2019. Au moins 12 d’entre eux disent avoir démissionné en raison d’abus de pouvoir de la part de la direction générale de l’organisme.
Ces 12 ex-employés ont demandé à témoigner sous le couvert de l’anonymat parce qu’ils craignent des représailles des deux directeurs généraux et cofondateurs de La Pépinière, Maxim Bragoli et Jérôme Glad.
Ces ex-employés affirment avoir à cœur la mission de l’organisme, mais plusieurs font état d’une désorganisation au sein de La Pépinière : projets mal planifiés, budgets insuffisants et délais trop courts. Ils déplorent que des employés travaillent sur des chantiers la nuit, malgré les risques, pour que les projets soient livrés à temps.
Plusieurs travailleurs se sont épuisés et ont demandé à la direction un meilleur encadrement, notamment par l’embauche d’un gestionnaire des ressources humaines indépendant, un service alors sous la responsabilité de Maxim Bragoli et de sa conjointe, Gaëlle Aguiar. Selon tous les ex-employés consultés, cette situation augmente l’emprise de la direction générale sur les travailleurs.
L’une des trois gestionnaires de l’époque, Raphaëlle Bilodeau, était favorable à cette solution, mais elle affirme ne pas avoir réussi à convaincre ses homologues, Maxim Bragoli et Jérôme Glad, de la mettre en place. C’était primordial que La Pépinière arrive à une maturité, qu’elle se dote de processus internes, dit-elle. Une entreprise qui est mature et qui a des processus à l’interne, ça sait gérer les conflits en dehors des émotions. Ça se munit d’un spécialiste en ressources humaines. S’il n’y a pas de processus à l’interne, toute personnalité peut déborder, et ça peut devenir hyper dangereux.
Raphaëlle Bilodeau a démissionné en septembre 2018, et plusieurs employés ont suivi son exemple. Les cofondateurs Maxim Bragoli et Jérôme Glad se sont donc retrouvés seuls directeurs de La Pépinière.
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Le CA alerté
Dans une lettre adressée au conseil d’administration (CA) de La Pépinière, une ex-employée écrit : « J’ai conseillé à plusieurs reprises à Jérôme Glad de discuter ouvertement des points sensibles avec l’organisation au complet. À cela, je me suis fait répondre d’arrêter de « parler fort » et de ne « pas mettre d’huile sur le feu » et de plutôt « surfer la vague et aller dans le sens de la direction ». »
Radio-Canada a d’ailleurs obtenu copie de quatre lettres envoyées aux membres indépendants du CA par d’ex-employés dans le but de les alerter et de les inciter à agir pour mettre fin aux mauvaises pratiques de la direction.
Une rencontre entre des employés et les deux administratrices externes du CA, Lyndsay Daudier et Colleen Lashuk, s’est tenue en mai 2019. Dans un courriel, ces dernières affirment que suite à plusieurs recommandations auxquelles il n’y a jamais eu de suite, conjointement, les administratrices externes indépendantes ont démissionné, car leur rôle de gouvernance [porter un regard sur la gestion] ne pouvait plus s’exercer sur ce CA
. Elles soulignent que les deux seuls autres administrateurs de ce CA étaient les directeurs, Jérôme Glad et Maxim Bragoli.
Selon le président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance, François Dauphin, deux gestionnaires peuvent légalement siéger à un conseil d’administration de quatre membres, mais cela est contraire aux bonnes pratiques : La gouvernance est extrêmement importante dans un organisme à but non lucratif, surtout de cette taille-là, parce que le CA est le seul contrepoids à la direction, surtout quand c’est les cofondateurs qui sont en place.
Il ajoute que, dans ce contexte, il aurait été préférable que le CA comporte plus de sièges, dont une majorité occupée par des personnes indépendantes.