Un nouveau président du conseil pour Hydro-Québec: une nomination innovante?
Yvan Allaire | La PresseLe gouvernement du Québec innove en nommant comme nouveau président du conseil d’administration d’Hydro-Québec un entrepreneur, propriétaire d’une petite entreprise de fabrication et distribution de bas, chaussettes et collants, comptant présentement une trentaine d’employés au Canada et bientôt, semble-t-il, quelque 200 en Caroline du nord.
Faut-il le rappeler? Hydro-Québec emploie 20 200 personnes, réalise un chiffre d’affaires de près de 13 milliards $, un bénéfice de 2,9 milliards $ et gère des actifs d’une valeur comptable de 73 milliards $. Hydro a versé au trésor québécois quelque 2,2 milliards $ en 2013.
Cette nomination représente une singulière innovation car au cours des 25 ans depuis qu’Hydro-Québec s’est donné une structure de gouvernance comportant un président du conseil, onze hommes (aucune femme) ont occupé ce poste. Toutes ces nominations n’ont pas été également heureuses. Toutefois, ces onze présidents du conseil provenaient :
• Pour quatre d’entre eux, du monde de la grande finance;
• Trois étaient des juristes provenant de grands bureaux d’avocats;
• Quatre avaient une longue expérience comme cadre/dirigeant de grandes sociétés privées ou publiques.
Il serait utile de connaitre les consultations menées par le gouvernement du Québec ainsi que le raisonnement de gouvernance qui appuie son choix comme président du conseil. Voulait-on y ajouter une présence de représentants de PME? Mais le conseil d’Hydro compte déjà au moins trois membres provenant de PME québécoises.
La gouvernance de toute organisation repose sur une pierre d’assise : le choix du président de conseil. Le rôle du président du conseil est subtil; il ne se limite pas aux prescriptions normatives de la gouvernance orthodoxe, au respect des codes d’éthique ou aux bonnes manières autour d’une table de conseil. Le président du conseil est au premier chef le gardien de la crédibilité de la société auprès de ses parties prenantes et garant de son imputabilité. Le conseil est imputable des décisions de la société auprès du gouvernement et le président du conseil est chargé d’en répondre auprès du ministre. (Loi sur la gouvernance des sociétés d’État, article 14).
Le gouvernement du Québec pourrait peut-être, à l’avenir, s’inspirer des dispositions contenues au projet de loi 10 sur la réforme du système de santé. L’article 12 de ce projet de loi propose que pour procéder à la nomination des membres indépendants d’un conseil d’administration, le ministre constitue un comité d’experts en gouvernance chargé de lui faire des recommandations, notamment en ce qui concerne les candidats à considérer et la correspondance de leur profil avec ceux établis en l’article 11.
Si cette démarche semble pertinente pour les conseils d’administration des futurs Centres Intégrés de Santé et Services Sociaux (CISSS), ne le serait-elle pas a fortiori pour nos grandes sociétés d’État.
Parce que certaines sociétés d’État jouent un rôle important dans la mise en place des politiques publiques, on comprend que les nouveaux gouvernements veuillent s’assurer que les présidents de leurs conseils soient des personnes qui partagent les orientations du gouvernement, en plus de posséder une expérience pertinente pour la fonction. Toutefois, tout gouvernement doit être bien conscient qu’au fil de ces nominations, on prend la mesure de sa compétence, de sa transparence et de sa volonté d’assurer une haute qualité de gouvernance dans les sociétés d’État.
Sans aucun doute que nommer comme président du conseil de la plus grande et la plus complexe des sociétés d’État du Québec une personne sans expérience démontrée en gestion ou gouvernance au sein d’une grande société et sans expérience du secteur public québécois, relève de l’innovation audacieuse. Une innovation que tous les spécialistes de la gouvernance suivront assidument car si l’expérience s’avère heureuse, ces spécialistes devront revoir leurs enseignements et leurs prescriptions pour une bonne gouvernance!
Les propos de ce texte n’engagent que son auteur.