29 août 2018

Trump veut stopper le capitalisme trimestriel

Francis Vailles | La Presse +

On ne compte plus les déclarations bancales de Donald Trump. Et quand je dis bancales, je suis poli.

Toutefois, le président des États-Unis a soulevé une question intéressante, dernièrement, lorsqu’il a évoqué l’idée de permettre aux entreprises en Bourse de ne plus déclarer trimestriellement leurs résultats financiers. À la mi-août, il dit avoir demandé à la Securities and Exchange Commission (SEC) de réétudier la possibilité de permettre plutôt aux entreprises ouvertes de faire une déclaration de leurs ventes et profits tous les six mois, comme c’est le cas en Europe.

Les enjeux sont importants. Bien des entrepreneurs se plaignent de leurs obligations de divulgation trimestrielle, qui les forcent à toujours devoir livrer des résultats satisfaisants à court terme au détriment du long terme.

Par exemple, annoncer un bénéfice par action trimestriel de 45 cents plutôt que les 53 cents prévus par les analystes peut faire reculer significativement le titre boursier. Et un tel recul, qui déprécie la valeur de l’entreprise, n’est pas toujours indicatif des perspectives à long terme de l’organisation.

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Qu’en pensent les experts ? Les avis sont partagés. Yvan Allaire, président exécutif de l’Institut pour la gouvernance (IGOPP), trouve l’idée bonne, en principe. « Ça enlèverait la pression du court terme et donnerait aux entreprises plus de temps pour respirer », dit-il.

Il doute toutefois qu’une telle suggestion soit adoptée, en raison de l’intense lobby des courtiers et des analystes, pour qui les divulgations trimestrielles sont « le pain et le beurre ». De plus, fait-il valoir, les variations des titres boursiers pourraient être plus brusques si les résultats sont rendus publics seulement deux fois par année.

En outre, il rappelle qu’une étude avait conclu qu’au Royaume-Uni, le passage de l’obligation de déclaration à six mois plutôt que trois mois ne s’est pas traduit par un volume plus grand d’investissement à long terme.

Enfin, dit Yvan Allaire, ce changement ne réglerait pas le problème de fond du marché, soit la rémunération basée sur le prix des actions, qui donne lieu à des excès sans lien avec la performance réelle de l’entreprise.

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Difficile de trancher, donc. Une suggestion : peut-être devrait-on donner plus de temps pour divulguer aux PME boursières et maintenir le cadre trimestriel pour les grandes sociétés, qui ont davantage de ressources.

LE POUR ET LE CONTRE DES DÉCLARATIONS SEMESTRIELLES

(Consultation menée par les ACVM en avril 2017)

NEUF INTERVENANTS SONT EN FAVEUR, CAR LE RAPPORT SEMESTRIEL…

– permet d’éviter le court-termisme ;

– permet d’économiser temps et argent ;

– n’empêche pas l’obligation d’annoncer les changements importants.

SEIZE SONT EN DÉFAVEUR, CAR LE RAPPORT TRIMESTRIEL…

– encourage la discipline dans la reddition de comptes ;

– permet la diffusion d’une information uniforme en temps opportun ;

– diminue le risque de communication sélective ;

– ne diminue pas vraiment les investissements des entreprises à long terme.

DIX SONT EN FAVEUR SI LA SUGGESTION…

– se rapporte aux rapports de gestion et non aux états financiers ;

– vise strictement les entreprises n’exerçant pas directement des activités (holding, etc.).

Source : Autorité des marchés financiers (AMF)

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