Quand une entreprise est-elle «canadienne»?
Yvan Allaire | Lesaffaires.comUn court article dans un journal la semaine dernière a suscité cette interrogation. On y apprend que la société « canadienne » Gabriel Resources rencontre des difficultés pour procéder à l’exploitation d’une importante mine d’or en Roumanie, située dans un site connu sous le nom de Rosia Montana. Des groupes écologistes ont recours à toutes les mesures juridiques et politiques pour bloquer ce projet. Selon eux, cette exploitation serait dommageable à un site d’une haute valeur archéologique et risquerait de contaminer un environnement fragile par des milliers de tonnes de cyanure nécessaires à ce type d’exploitation.
Dans tous les documents, dans la presse roumaine et dans toutes les discussions, la société Gabriel Resources, dont la seule activité consiste en ce développement d’une mine d’or en Roumanie, est identifiée comme une société « canadienne »; mais qu’en est-il?
En effet, le site juridique de cette société est au Yukon et son titre est inscrit à la bourse de Toronto. Toutefois, son site administratif est à Londres; son PDG réside à Londres; neuf des onze administrateurs de la société sont des non-résidents du Canada et plus de 60% des actions de l’entreprise sont aux mains de fonds de couvertures et autres investisseurs étrangers. En quoi cette entreprise est-elle « canadienne »?
Elle est canadienne pour bénéficier du climat hospitalier de la bourse de Toronto envers ce type d’entreprises. Il est étonnant de constater que pas moins de 270 sociétés n’ayant aucune exploitation en terre canadienne sont inscrites à la bourse de Toronto, à la Sino-Forest.
Pourquoi une telle réceptivité de la part de la bourse de Toronto? Parce que les bourses sont devenues elles-mêmes cotées en bourses et doivent donc démontrer comment elles comptent faire croitre leur bénéfice par action pour satisfaire les investisseurs et maintenir ou faire grimper la valeur de leur titre.
Alors, dans un contexte de vive concurrence entre bourses le démarchage pour attirer des sociétés étrangères ou n’ayant aucune activité dans le pays, les fusions et acquisitions, la réceptivité aux produits financiers structurés et dérivés de toute nature font partie de l’arsenal de toute bourse cotée en bourse pour mousser son titre.
Alors, Gabriel Resources est-elle une société canadienne? Au sens légal du terme, probablement. Selon le sens commun de cette expression, certainement pas.
(Les propos de M. Allaire n’engagent pas l’IGOPP ni son conseil d’administration).
- Mots clés:
- Entreprises privées
- Législation