Les banques canadiennes étaient-elles secrètement en danger lors de la crise 2008-2009?
Yvan Allaire | Lesaffaires.comSelon un organisme, issu des mouvements syndicaux, le Canadian Center for Policy Alternatives, les banques canadiennes auraient été secourues (bailed out) secrètement par la Banque du Canada et le gouvernement canadien au temps de la crise financière de 2008-2009.
Alors que tous s’émerveillaient de la stabilité de notre système bancaire, la réalité était tout autre, selon l’étude récemment publiée par ce centre.
Tout cela est bien curieux et plutôt trompeur. Il faut distinguer entre les causes de la crise et ses effets.
Ainsi, au début de 2008, le système financier canadien se démarque du système américain de plusieurs façons significatives :
Levier financier (Actifs totaux sur fonds propres) :
- Banques canadiennes : 19
- Banques commerciales américaines : 31
Endettement des ménages canadiens et américains à la veille de la crise :
Canada États-Unis
Nombre de cartes de crédit par ménage 2 6
Endettement moyen sur carte de crédit, par ménage 2000$ 8000$
% des détenteurs qui paient la somme due, au complet, à tous les mois 73% 40%
% des prêts hypothécaires qui sont à haut risque < 5% 24%
% de ces prêts en défaut depuis 90 jours ou ayant donné lieu à une procédure de saisie (2007) < 2% 16%
Service de la dette en % du revenu disponible 7,5% 18%
Sources : Banque royale du Canada/Banque du Canada
Voilà donc pourquoi les banques américaines étaient en difficultés et pourquoi au moindre faiblissement du marché immobilier résidentiel américain, ce fut la catastrophe.
Cette crise devint vite mondiale et se manifesta en une chute brutale de la liquidité dans tout le système financier. Sans intervention des banques centrales pour injecter de la liquidité dans le système, toute l’économie industrielle aurait été privée de sources de fonds.
Cela fut-il caché? Aucunement. La Banque du Canada, dans sa Revue du système financier publiée en juin 2009, informe ses lecteurs:
Si la crise de confiance qui a ébranlé les marchés financiers mondiaux durant les derniers mois de 2008 a été moins aiguë au Canada qu’ailleurs, elle n’en a pas moins soumis les marchés intérieurs du financement de gros à de très fortes pressions. Le redoublement de l’incertitude avait rendu les bailleurs de fonds réticents à prêter au-delà du très court terme, engendrant ainsi de graves difficultés de financement pour les institutions financières canadiennes. de plus, les banques avaient réduit leurs activités de tenue de marché afin de préserver la liquidité de leurs bilans, ce qui a eu pour effet d’attiser la volatilité des marchés. Tout cela a accru le risque qu’un retard dans le rétablissement de la confiance et le retour à des conditions de financement normales n’accentue l’effet de rétroaction négatif entre le système financier et l’économie réelle.
Pour contrer ces pressions, la Banque du Canada a élargi ses mécanismes d’octroi de liquidités, et le gouvernement canadien a instauré, avec l’aide de la société canadienne d’hypothèques et de logement, un programme d’achat de prêts hypothécaires assurés portant le montant maximum des achats de 75 à 125 milliards de dollars, pour donner accès aux banques à plus de financement à long terme. En outre, il a créé la facilité canadienne des assureurs-vie, qui accorde une garantie sur les emprunts à terme contractés sur le marché de gros par les sociétés d’assurance vie sous réglementation fédérale, et la facilité canadienne de crédit garanti, à laquelle il consacrera jusqu’à 12 milliards de dollars pour acheter des titres à terme adossés à des prêts et des contrats de crédit-bail portant sur des véhicules et du matériel, dans le but d’aider les consommateurs et les entreprises à obtenir du financement pour ces achats.
Il y a un monde de différence entre des mesures pour maintenir une certaine liquidité dans le système financier durant une crise, d’une part, et la faillite de Lehman Brothers et les $180 milliards mis au service de AIG pour que cette société puisse éviter la faillite et payer pleinement les contre-parties Goldman Sachs, Merrill Lynch, UBS, Société Générale et les autres.
Le Canadian Center for Policy Alternatives a vraiment pris le champ avec cette «étude».
(Les propos de M. Allaire n’engagent pas l’IGOPP ni son conseil d’administration).