5 novembre 2021

Le CA d’Air Canada montré du doigt

Ulysse Bergeron et Roxane Léouzon | Le Devoir

Le conseil d’administration d’Air Canada doit faire ses devoirs pour valoriser le français au sein de sa haute direction, estiment des intervenants du milieu des affaires.

Les propos tenus mercredi par le président-directeur général d’Air Canada, Michael Rousseau, indiquant qu’il n’avait pas le temps d’apprendre le français soulèvent un tollé. Le p.-d. g. de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc, ne cache pas sa déception lorsqu’on le questionne sur l’allocution du grand patron d’Air Canada, mercredi, lors d’un événement qu’il a organisé.

« Dans les derniers jours, on avait demandé à son équipe d’intégrer du français dans son allocution, raconte-t-il. On a reçu des informations comme quoi il y aurait des déclarations en français en début et en fin de discours. Disons qu’on s’attendait à ce qu’il y ait plus [de français]. C’était très minimaliste. »

M. Rousseau aurait dû s’engager à apprendre le français dès le départ, selon lui. « Dans notre esprit, les dirigeants de grandes entreprises au Québec doivent avoir la sensibilité de comprendre la place du français ici. » Il n’a pas su démontrer cette sensibilité, « ni durant son discours ni durant le point de presse ». Depuis, M. Rousseau s’est excusé par voie de communiqué et s’engage à apprendre le français.

Or, au-delà de la polémique, le problème réside moins dans l’embauche d’un p.-d. g. unilingue anglophone que dans l’apprentissage du français comme critères lors du recrutement de membres de la direction.

« La pression est sur le conseil d’administration. C’est lui qui fait la sélection du p.-d.g. », selon Michel Leblanc. Dans les critères menant à l’embauche des dirigeants, les administrateurs ont le pouvoir d’imposer le français ou l’apprentissage de la langue de Molière comme condition. « Tout ça relève d’une culture organisationnelle. » Cette culture serait « clairement déficiente » à l’égard du français chez Air Canada, dit-il.

« Embaucher un p.-d. g. anglophone ne veut pas dire nécessairement que la culture organisationnelle va basculer vers l’anglais, si la pression est sur ce p.-d. g. qui doit apprendre le français le plus rapidement possible », estime pour sa part Michel Leblanc.

Son de cloche similaire de la part du p.-d.g. de l’Institut sur la gouvernance, François Dauphin, qui estime qu’il y a eu manquement de la part du conseil d’administration du transporteur aérien.

« L’usage du français devrait faire partie des critères importants à l’embauche, car on parle d’une entreprise fortement soutenue par les gouvernements, assujettie à la Loi sur les langues officielles, dont le siège social est dans une ville francophone dans une province francophone », croit François Dauphin.

« Dans le cas où la personne la plus compétente pour occuper le poste est unilingue anglophone, cette dernière devrait être sensibilisée et coachée par le conseil d’administration, dit-il. L’an dernier, Rania Llewellyn, qui ne parlait pas français, avait d’ailleurs été nommée à la direction de la Banque Laurentienne. »

« À la différence de M. Rousseau, elle était déjà inscrite à un cours de français au moment de sa nomination », rappelle-t-il, ajoutant que les excuses du dirigeant d’Air Canada arrivent « un peu tard ».

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