La migration floridienne de Saputo
Julien Arsenault | La PresseSaputo prend goût à la Floride : la quasi-totalité de sa haute direction habite désormais l’État du Soleil et y travaille. Un constat qui survient alors que la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) vient de hausser sa mise dans la multinationale, qu’elle qualifie d’« entreprise québécoise de premier plan ».
À l’exception du chef de la direction financière Maxime Therrien (Québec), les autres patrons les mieux payés du transformateur laitier sont en voie d’être établis aux États-Unis. Cela inclut le nouveau grand patron Carl Colizza, qui a pris la relève de Lino Saputo fils – qui demeure président exécutif du conseil d’administration – le 9 août dernier.
Responsable des ressources humaines, Gaétane Wagner, dont le départ à la retraite a été annoncé au printemps dernier, habite au Québec même si elle possède un pied-à -terre en Floride, selon le registre foncier de Miami. Celle qui la remplacera, Isabelle Tisseur, habite déjà Fort Lauderdale.
L’enracinement des cadres supérieurs de Saputo à son antenne floridienne avait été mis en lumière par La Presse à l’automne 20221. La tendance se poursuit.
La multinationale québécoise s’est retrouvée dans l’actualité plus tôt cette semaine lorsque Frank Saputo, le frère aîné de Lino Saputo – l’architecte de l’entreprise familiale –, a vendu presque toutes les actions du transformateur laitier qu’il détenait.
La CDPQ a mis 378 millions sur la table pour lui racheter 13,5 millions de titres, ce qui fait grimper sa participation dans Saputo à 4,5 %. Le bas de laine des Québécois en a-t-il profité pour exiger des garanties sur le lieu de résidence des grands patrons de Saputo ?
« Nous n’avons pas de clause étant donné la nature de la transaction [gré à gré sur les marchés secondaires], mais l’entreprise et son équipe savent toute l’importance que nous accordons à la présence au Québec et au maintien de ses activités ici », a indiqué la Caisse, dans un courriel.
En d’autres termes, la CDPQ dit ne pas avoir été en mesure d’imposer ses volontés à Saputo étant donné qu’elle rachetait la participation d’un actionnaire plutôt que des actions directement auprès de l’entreprise.
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Pour François Dauphin, directeur de l’Institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées (IGOPP), il aurait été difficile pour la Caisse d’imposer des conditions dans le cadre de la transaction récemment conclue. Cependant, avec une participation qui frôle les 5 %, le gestionnaire de régimes de retraite a les coudées franches pour intervenir s’il devait juger la situation problématique à propos du lieu de résidence des patrons de Saputo, ajoute le spécialiste.
« Avec près de 5 %, on commence à avoir de l’influence », dit M. Dauphin.
La question des sièges sociaux s’est réinvitée dans le débat public depuis la vente du spécialiste des trains d’atterrissage Héroux-Devtek à des intérêts américains en juillet dernier.
« Cela reste une priorité pour moi de garder nos sièges sociaux québécois et de les développer », avait lancé le premier ministre François Legault, le 24 juillet, au moment où il confirmait une réinjection dans le programme A220 d’Airbus, à Mirabel.
Dans le cas de Saputo, il ne s’agit pas d’un changement de propriétaire, mais d’un déplacement des postes décisionnels. Mercredi, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie n’avait pas commenté les constats de La Presse concernant la haute direction de Saputo.
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