3 juillet 2019

La gouvernance de l’ONF étonne même son commissaire

Guillaume Bourgault-Côté | Le Devoir

Jugée « intenable » par des experts, la structure de gouvernance de l’Office national du film (ONF) étonne jusqu’à son commissaire. Claude Joli-Coeur trouve en effet particulier d’être à la fois p.-d.g. de l’organisme et président de son conseil d’administration… situation qui « n’a pas de bon sens », selon les cinéastes qui contestent son leadership.

« C’est un point intéressant, cette question de ma présence comme président du conseil, disait Claude Joli-Coeur en entretien vendredi. À travers toutes les organisations sous l’égide de Patrimoine canadien, je suis le seul premier dirigeant qui est aussi président du conseil. À Téléfilm Canada, dans les musées, au Conseil des arts, tout le monde a un président et un p.-d.g. L’ONF, c’est la seule loi qui n’a pas été modifiée au fil des ans. »

Depuis son arrivée à la tête de l’organisme en 2014, Claude Joli-Coeur dit avoir pris soin de « modifier les règlements pour donner plus de pouvoirs à la vice-présidence » du conseil. Mais en tant qu’avocat de formation, il reconnaît qu’il « est préférable d’avoir un président et un p.-d.g. différents. »

N’empêche : pour le regroupement de cinéastes qui dénoncent le nouveau mandat de trois ans obtenu par M. Joli-Coeur la semaine dernière, la situation actuelle n’a « pas de bon sens », dit Philippe Baylauck, cinéaste et porte-parole de NFB/ONF Création. « C’est quoi, cette forme de gouvernance ? demandait-il mardi en entretien. C’est quoi, un CA présidé par le patron de la boîte ? »

Une situation intenable

Président exécutif du conseil de l’Institut de la gouvernance d’organisations privées et publiques, Yvan Allaire remarque que « la séparation des fonctions de premier dirigeant et de président du conseil est devenue une norme quasi universelle au Canada, tant pour les entreprises cotées en Bourse que pour les sociétés d’État du Québec et du Canada ».

Et la raison en est simple, ajoute-t-il : « Le premier dirigeant relève du conseil. Comment peut-on présider l’organe dont on relève et qui est responsable de son évaluation ? »

Directeur général du même organisme, Michel Nadeau souligne que les bonnes pratiques de gouvernance proscrivent ce genre de double emploi depuis plusieurs années. « Un président de conseil d’administration qui est aussi p.-d.g. ne peut pas jouer son rôle de patron des superviseurs : il est en même temps le patron des supervisés, c’est intenable. »

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