27 août 2012

La CAQ et la gouvernance des sociétés d’État

Yvan Allaire | Lesaffaires.com

Par ses propos sur les dirigeants des sociétés d’État, rapportés par Denis Lessard dans La Presse (24 août 2012), M. François Legault manifeste une conception de la gouvernance de ces sociétés qui nous ramène à une ère d’intervention intempestive que l‘on croyait désormais révolue.

Faut-il le rappeler. Le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt est nommé par le conseil d’administration. Le gouvernement peut opposer son veto au candidat proposé par le conseil. Alors, le conseil propose un autre candidat.

Évidemment, en 2009, le gouvernement libéral, en pleine panique après les résultats de 2008 annoncés par la Caisse, n’a respecté que la lettre de la loi et certes pas son esprit. Comme je l’ai déclaré à l’époque, cette façon de faire a créé un dangereux précédent. Mais un conseil d’administration qui se tient debout ne devrait pas accepter qu’on bafoue la loi, qu’on enlève une responsabilité attribuée spécifiquement au conseil par la loi.

Quant aux autres sociétés d’État, malheureusement le gouvernement n’a pas retenu, comme il lui fut proposé avec insistance, d’adopter le même modèle que la Caisse pour la nomination du PDG.

Pour ces autres sociétés, le gouvernement nomme les présidents et chefs de la direction, hélas.

Toutefois, la loi sur la gouvernance des sociétés d’État attribue au conseil et à son comité de ressources humaines des responsabilités claires :

« Le comité des ressources humaines a notamment pour fonctions:

[ … ]

  • d’élaborer et de proposer un profil de compétence et d’expérience pour la nomination du président-directeur général;
  • d’élaborer et de proposer les critères d’évaluation du président-directeur général, et de faire des recommandations au conseil concernant la rémunération de celui-ci, à l’intérieur des paramètres fixés par le gouvernement;
  • de contribuer à la sélection des dirigeants;

Je ne crois pas que l’on puisse interpréter ces dispositions législatives comme donnant une autorité dictatoriale au premier ministre du Québec pour congédier les PDG des sociétés d’État quand il/elle le veut et nommer qui il/elle veut à la tête de ces sociétés.

La bonne gouvernance des sociétés d’État passe par des conseils d’administration responsables, indépendants du gouvernement, capables de lui tenir tête.

La volonté du gouvernement d’impartir une orientation différente à une société d’État est légitime mais doit passer par la nomination d’un président du conseil en sympathie avec les vues du gouvernement ainsi que de nouveaux membres de conseil au fur et à mesure que les mandats des membres actuels viennent à échéance.

Cette démarche est certes plus lente, mais elle est respectueuse de la loi et des principes fondamentaux de la saine gouvernance de nos sociétés d’État.

Les conseils d’administration doivent être les paravents de la direction contre les ouragans politiques, les gardiens de la mission de la société. Comme l’écrivait un ministre d’Henri IV : « Il faut obéir lentement aux souverains quand ils sont en colère ».

Toutefois, si un gouvernement insiste pour agir de façon contraire aux intérêts de la société, en contravention du mandat et de la mission de la société, les membres du conseil doivent avoir le courage de dénoncer le gouvernement, de démissionner du conseil et d’expliquer pourquoi.

Les propos de M. Allaire n’engagent pas l’IGOPP ni son conseil d’administration.