24 mars 2021

La Caisse souhaite nommer 30 % de femmes

André Dubuc | La Presse

La Caisse de dépôt vise à nommer 30 % de femmes aux sièges qui lui sont réservés au sein des sociétés pour lesquelles le gestionnaire d’actif est un actionnaire d’importance.

Les détails et le calendrier d’entrée en vigueur de la mesure seront dévoilés lors de la publication prochaine du Rapport d’investissement durable 2020 de l’institution.

Actuellement, la Caisse nomme 20 % de femmes pour combler les sièges qui lui sont réservés au sein des conseils d’administration. Deux spécialistes de la gouvernance avaient déploré dans nos pages le 4 mars la sous-représentation des femmes parmi les administrateurs choisis par la Caisse de dépôt. Pire, l’investisseur institutionnel n’avait jusqu’alors aucun objectif chiffré à ce chapitre. Une lacune qui sera dorénavant corrigée avec la nouvelle politique.

Investisseur de calibre international, la Caisse négocie un ou des sièges d’administrateur dans le cadre d’investissements d’envergure faits dans une société.

Par exemple, dans la transaction qui a vu Alstom avaler Bombardier Transport, la Caisse est devenue, dans la foulée, le premier actionnaire d’Alstom. En retour, elle a obtenu deux sièges au conseil. Les deux administrateurs délégués par la Caisse sont Serge Godin, fondateur de CGI, et Kim Thomassin, première vice-présidente et cheffe des placements au Québec.

Parmi l’ensemble des administrateurs nommés par la Caisse, 60 femmes siègent à des conseils, soit 20 % des 307 postes occupés, avait confirmé l’institution par courriel le mois dernier.

Les femmes forment maintenant 30 % des conseils d’administration de sociétés publiques, selon un rapport récent de l’Institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées (IGOPP). L’IGOPP arrive à ce pourcentage après avoir scruté les C.A. de 76 entreprises régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions qui composent l’indice S&P/TSX.

« C’est certainement un pas dans la bonne direction », convient la professeure Sophie Brière, qui avait critiqué au début du mois la timidité des gestes faits par la Caisse sur le plan de la diversité. « J’aimerais toutefois voir un engagement clair de la Caisse de viser la parité au sein des conseils d’administration de sociétés et que sa cible de 30 % constitue seulement la prochaine étape pour y parvenir. »

La professeure de management de la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval souligne que la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État astreint la Caisse à se doter d’un conseil d’administration paritaire depuis la fin de 2011. Dix ans plus tard, il serait temps, selon elle, que le secteur privé emboîte le pas. Mme Brière dirige aussi l’Institut EDI2, pour Équité, diversité, inclusion et intersectionnalité.

Pour moi, une cible de 30 % manque d’ambition a priori. Pourquoi pas 40 % ? (Caroline Codsi, présidente fondatrice de La Gouvernance au Féminin)

Mme Codsi a hâte de connaître les détails de la mesure pour comprendre pourquoi la Caisse s’est arrêtée à 30 % de femmes pour ce qui est de ses propres nominations.

Ce sera 30 % ou gare à vous, prévient la Caisse

Toujours sur le sujet de la place des femmes au sein des C.A., la Caisse applique une seconde mesure. Elle exigera au minimum 30 % de représentation féminine dans les conseils d’administration des sociétés publiques à partir de 2022. « Sous ce seuil et en l’absence de circonstances atténuantes, la Caisse pourrait s’abstenir ou voter contre le président du comité responsable des nominations — ou encore le président du conseil d’administration en l’absence d’un tel comité », explique dans un courriel Maxime Chagnon, porte-parole de l’institution.

Cette position a été communiquée aux sociétés concernées l’automne dernier. « C’est ce que j’appelle le pouvoir du portefeuille, dit Caroline Codsi. Tu veux mon argent ? Je veux que tu t’alignes à mes valeurs. » En matière de diversité, il est indispensable, selon elle, que les institutions se dotent de cibles à atteindre et qu’elles les annoncent publiquement, comme la Caisse le fait avec cette politique. Mme Codsi définit le seuil de la parité au sein des organisations à 40 %.

L’IGOPP avait d’ailleurs établi des objectifs de mixité de 40 % lors de sa prise de position sur le sujet en 2009, objectifs loin d’être atteints de nos jours.

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