Il faut plus de transparence sur la rémunération des p.-d.g. de sociétés d’État, affirme l’IGOPP
François Desjardins | Le DevoirQuatre mois après les inquiétudes soulevées par le Vérificateur général du Québec concernant la rémunération des dirigeants des sociétés d’État, des experts en gouvernance ont signalé mercredi que les critères appliqués pour fixer le salaire et les conditions de travail des p.-d.g. sont généralement inconnus du public.
Pour la deuxième fois depuis 2017, l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) a publié le compte rendu d’une analyse portant sur 24 sociétés d’État, une constellation d’organisations qui récoltent des revenus de 53 milliards et comptent 50 000 employés.
Si la moyenne des notes sur la gouvernance générale des sociétés a augmenté depuis sa première analyse en 2017, l’IGOPP a de nouveau plaidé pour une plus grande transparence en matière de rémunération pour la haute direction.
« Les entreprises inscrites en Bourse donnent beaucoup d’information sur la rémunération. Je ne vois pas en quoi on ne peut pas fournir une information aussi abondante, aussi complète pour les dirigeants des sociétés d’État », a affirmé en entrevue Yvan Allaire, président exécutif du conseil de l’IGOPP.
Dans son rapport, l’IGOPP écrit notamment que les « critères utilisés pour établir la rémunération et autres conditions de travail des p.-d.g. ne sont presque jamais divulgués dans les documents rendus publics par les sociétés [23 sociétés sur 24] ».
L’IGOPP recommande au gouvernement de s’assurer que toutes les sociétés publient ces critères et d’envoyer aux sociétés les « lignes directives claires » qui encadreraient les informations à divulguer au sujet de la rémunération des dirigeants les mieux payés, dont les primes de départ.
[ … ]
L’analyse survient dans la foulée d’un rapport du Vérificateur général du Québec (VGQ) portant précisément sur la rémunération des hauts dirigeants de certaines sociétés d’État. Le VGQ avait écrit que le « Secrétariat du Conseil du trésor n’encadre pas suffisamment les sociétés d’État auditées en ce qui a trait à la rémunération des hauts dirigeants nommés par celles-ci ».
L’IGOPP a découpé les aspects étudiés en quatre catégories : composition et structure du conseil (26 % de la note) ; dynamique des séances du conseil et des comités (14 %) ; processus de nomination, sélection et évaluation des membres du conseil (31 %) ; transparence, divulgation et reddition de comptes (29 %).
Dans le groupe étudié figurent la Caisse de dépôt et placement (note globale de 82 %), Hydro-Québec (82 %) et Investissement Québec (75 %), mais aussi des organisations comme la Société du Plan Nord (73 %), la Financière agricole (74 %), la Régie des installations olympiques (68 %) et la Société du Grand Théâtre de Québec (67 %).
La moyenne générale des sociétés est de 76 %, contre 71 % en 2017. Plusieurs sociétés ont appelé l’IGOPP après le premier classement pour en savoir plus, a dit M. Allaire. Par ailleurs, la note la plus basse cette fois-ci est de 66 %, comparativement à 56 % la dernière fois.
Québec ne fait pas la sourde oreille à ce type d’exercice. « Le gouvernement actuel ayant été récemment élu, il est plus attentif. Il n’est pas partie prenante de toutes les décisions passées. Il est très attentif au constat », a dit M. Allaire, qui a eu des conversations avec de hauts fonctionnaires. « Je pense qu’il y a une volonté d’agir dans le sens de certaines de nos recommandations. »
Le Devoir a demandé aux cabinets du premier ministre et du ministre des Finances de réagir au rapport. La sortie du rapport de l’IGOPP a cependant coïncidé avec deux dossiers de première ligne : des excuses gouvernementales aux Autochtones et l’annonce formelle d’une aide aux médias écrits.