Diversité dans les C.A.: 333 administrateurs, 10 Noirs… et aucun né au Québec
Marc Tison | La Presse[…]
Sur les dix administrateurs noirs, sept vivent ou sont nés aux États-Unis – huit sur dix, si on y ajoute un Québécois né au Mali, qui vit depuis peu en Floride pour s’approcher de l’entreprise dont il dirige une des filiales.
Les deux autres, un homme et une femme, sont nés en Ontario.
« Ça traduit un peu ce qu’on a vu dans les derniers rapports de SpencerStuart, qui fait un inventaire complet de tout ça », indique François Dauphin, président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP).
« Il y a une petite remarque de bas de page qui dit qu’on fait de plus en plus appel au recrutement à l’international et que c’est souvent de cette manière qu’on vient cocher nos cases de diversité. Est-ce que c’est volontaire ou non ? Vous savez, quand vient le temps de nommer une nouvelle personne au conseil, surtout lorsque c’est un remplacement, on doit chercher des compétences très pointues et spécifiques. »
Il sera souvent plus aisé de trouver ce candidat à l’étranger, où ses relations seront d’autant plus utiles que les grandes sociétés mènent souvent des affaires sur les marchés internationaux.
« Quand les entreprises veulent sortir des sentiers battus, ils doivent faire appel souvent à des cabinets de recrutement pour proposer des candidats, constate François Dauphin. C’est au niveau de ces cabinets qu’on doit faire un effort pour ajouter systématiquement sur les listes des candidats issus de la diversité, mais également des candidats locaux. »
[…]
« On constate que l’obligation de divulgation a eu un effet immédiat, en particulier sur le pourcentage de membres issus de minorités visibles », a écrit l’auteur du rapport, François Dauphin.
« Je serais curieux de voir si les dix que vous avez trouvés étaient là, il y a cinq ans », s’interroge-t-il en riant.
Il faudrait faire l’exercice, mais on sait déjà que les administrateurs noirs étaient moins nombreux il y a six mois.
[…]
Nos chiffres dressent un portrait global de la représentation noire dans les C.A. de 30 grandes sociétés, mais le défi de la diversité se vit à l’échelle de chacun des conseils.
« La grande difficulté, quand on parle spécifiquement de sous-groupes de minorités, c’est que ce sont des conseils de 10 ou 11 personnes en moyenne, relève François Dauphin. Alors quand on veut représenter des segments de 3 ou 4 % de la population, ça fait quelque chose comme 0,1 personne. C’est très difficile d’avoir une représentativité complète dans chacun des conseils. »
« Mais sur l’ensemble des administrateurs, on devrait tendre à refléter la population active. C’est ce qu’on devrait rechercher à l’avenir. »
Un renouvellement lent
Un des plus grands défis à l’inclusion diversifiée dans les conseils est posé par le rythme d’escargot de leurs mécanismes de renouvellement.
« Les conseils ont des obligations fiduciaires et l’idée n’est pas de remplacer la moitié du conseil chaque année », indique encore François Dauphin. Il faut qu’on conserve une certaine collégialité et une capacité de travail. En même temps, on doit être sensible à cette réalité-là et on doit ajouter cette diversité, mais ça doit se faire peut-être sur une période qui s’inscrit dans la durée. C’est ce qu’on a vu pour les femmes et on espère le voir aussi pour la diversité plus large. »
[…]
Des quotas ?
[…]
La France, pour prendre cet exemple, avait fixé pour les sociétés cotées un seuil de 40 % de femmes à atteindre au 1er janvier 2017.
« On pourrait faire ça ici, dire que ça nous prend 20 % de minorités visibles demain matin, soulève François Dauphin. On les aurait effectivement demain matin. Mais on se rend compte que lorsque ce n’est pas une adhésion complète, on va souvent nommer des gens, sans leur donner de rôle réel au conseil. Ce ne sera pas des présidents de comité, ce ne sera pas des gens qui participent au débat. On les met pour cocher une case. »
« Imposer, parfois, n’a pas le même effet qu’une adhésion complète, qui est plus lente, mais qui est plus efficace et plus permanente à tous les niveaux de l’organisation. »
Dans tous les cas, on doit agir. Rapidement et en profondeur.