4 novembre 2006

Délinquance au conseil d’administration!

Yvan Allaire | Les Affaires

Quelle leçon peut-on tirer, s’il y a leçon à tirer, de l’imbroglio dans lequel le conseil d’administration de Hewlett-Packard s’est trouvé plongé.

La présidente du conseil, Patricia Dunn, fut hautement embarrassée par les nombreuses fuites provenant de toute évidence de membres de son conseil qui fournissaient aux journalistes une information confidentielle et pas toujours flatteuse sur le fonctionnement du conseil. Elle décida de faire espionner les membres du conseil (et certains journalistes) afin d’identifier le ou les coupables. L’enquête réussit à identifier le coupable mais la mise à jour (par un autre membre du conseil) des méthodes employées fit scandale, força la démission de la présidente du conseil et de quelques dirigeants et mena à leur mise en accusation pour délits criminels par le procureur général de l’État de la Californie. Voilà pour la petite histoire juteuse de ragots et de potins.

Mais cette histoire recèle-t-elle dans ses causes profondes, un enseignement prémonitoire de nouvelles pathologies de fonctionnement des conseils d’administration?

En cette nouvelle ère de la bonne gouvernance, les membres des conseils doivent être indépendants financièrement de la direction, être indépendants de pensée, d’un caractère affirmé, disponibles, sûr d’eux et expérimentés. Un «bon» conseil consiste à rassembler une douzaine de personnes de cet acabit, une véritable équipe d’étoiles, un «dream team» de la gouvernance. (Il faut se rappeler que le «dream team» américain des vedettes du basketball a gagné le bronze de peine et de misère aux Jeux olympiques de 2004 à Athènes).

Il semble bien que le conseil de HP, curieusement, souffrait de la présence de trois membres, amis au profil étincelant et aux états de service valeureux; mais, justement, en raison de leur statut, de leur expérience, de leur amitié et de leurs succès passés, ils étaient enclins à imposer leurs vues et de très mal réagir lorsqu’on leur tenait tête. Ils firent limoger Carly Fiorina, la PDG, en février 2005, parce qu’elle ne semblait pas suffisamment réceptive à leurs propositions.

Pour arriver à leurs fins, ils promirent à Patricia Dunn de la faire nommer présidente du conseil, alors que, deux ans plus tôt, on lui avait enlevé la présidence du comité de vérification. Puis, Mme Dunn, n’étant pas à la hauteur de leurs attentes, ils entreprirent de miner son autorité en coulant aux médias des informations défavorables sur le fonctionnement du conseil.

Ce qui s’est passé à HP n’est peut-être qu’un cas aberrant, une anomalie; mais je n’en suis pas certain. Il me semble que l’on voit émerger un nouveau contexte de la gouvernance qui tient autant à la démographie qu’aux nouvelles règles en cette matière. En effet, une abondante offre de dirigeants récemment à la retraite ayant tout le temps et l’énergie pour agir comme administrateurs, sevrés depuis peu du pouvoir et de l’autorité de dirigeant d’entreprises, incités, obligés presque, à affirmer l’autorité du conseil sur la direction, peut fort bien mener à un climat paralysant pour la direction, à une sorte de rivalité nocive entre ces administrateurs pour démontrer leur compétence et leur ascendant.

Il faut se rappeler que, comme en d’autres domaines, une bonne équipe n’est pas qu’un assemblage momentané et opportuniste de vedettes mais bien la réunion de personnes aux talents complémentaires, capables de travailler ensemble et respectueuses des autres.