5 avril 2012

Bell Canada et la saga de la « convergence »

Yvan Allaire | Lesaffaires.com

La société Bell Canada, sous la direction de Jean Monty, avait mis en branle une stratégie de convergence au cours des années 1998-2000, qu’elle a abandonnée subitement en 2002, pour s’y remettre en 2010-2012. Pourquoi cet aller-retour stratégique?

Parce que les marchés financiers, de nos jours, sont obtus, myopes et hystériques. Malgré cela, ils influencent la stratégie de trop d’entreprises et leurs dirigeants se montrent (trop) sensibles à une certaine engeance qui grenouille autour des entreprises cotées en Bourse. La « convergence » en offre un exemple éloquent.

Durant les années de fièvre technologique, 1998-2000, la stratégie de convergence, commandant de rassembler sous un même toit une gamme de contenus et de multiples moyens de diffusion, est devenue la saveur du jour. Les marchés financiers se sont enthousiasmés pour cette « vision » stratégique, l’ont presque imposée aux dirigeants d’entreprises du secteur.

Parce qu’une telle stratégie est difficile à exécuter, elle demande temps et ténacité pour en recueillir les fruits. Trop de temps en fait, si bien que les marchés financiers ont vite déchanté et imposé la liquidation de cette stratégie partout où on les écoutait. Et qui les écoutaient : les dirigeants d’entreprises inscrites en Bourse avec un actionnariat dispersé composé de centaines de fonds de tout acabit, la plupart en quête de rendements à court terme.

Qui a réussi, en y mettant le temps qu’il faut, à implanter cette stratégie : des entreprises comme Quebecor et Rogers qui sont sous le contrôle d’un actionnaire-entrepreneur par le truchement d’actions à vote multiple. Ainsi, relativement imperméables aux pressions des marchés financiers, ces entreprises ont pu investir le temps et les ressources nécessaires pour mener à bien cette difficile opération de « convergence ».

Maintenant que Quebecor et Rogers en ont démontré la valeur, les marchés financiers sont à nouveau emballés par le concept. Bell Canada peut et doit s’y mettre à nouveau, mais avec un retard de 10 ans!

(Les propos de M. Allaire n’engagent pas l’IGOPP ni son conseil d’administration).