Choisir un président du conseil : un test de saine gouvernance
Yvan Allaire | Lesaffaires.comLa gouvernance de toute organisation repose sur une pierre d’assise : le choix du président de conseil. Le rôle du président du conseil est subtil; il ne se limite pas aux prescriptions normatives de la gouvernance orthodoxe, au respect des codes d’éthique ou aux bonnes manières autour d’une table de conseil. Le président du conseil est au premier chef le gardien de la crédibilité de la société auprès de ses parties prenantes et garant de son imputabilité.
Le président du conseil (PCA) devrait être une personne expérimentée, aux états de service éprouvés, dotée d’un leadership certain; qui plus est, le PCA doit comprendre qu’il n’est pas le chef de la direction, que son autorité doit s’exercer par le truchement du conseil d’administration. Cette personne que l’on veut bardée d’impressionnants états de service doit néanmoins se montrer discrète et respectueuse de l’autorité du chef de la direction auprès des cadres et dirigeants de la société.
Par delà la longue liste des responsabilités fiduciaires du PCA, celui-ci doit jouer des rôles moins normatifs mais tout aussi importants:
En voici quelques-uns :
Changer la dynamique des réunions du conseil
Il est fréquent que les membres d’un conseil se connaissent peu et se rencontrent rarement hors des réunions du conseil et de ses comités. Cette réalité donne aux réunions du conseil toutes les allures d’une rencontre sociale entre étrangers, avec son déploiement de gêne et d’inhibition, de peur de gaffer, de fausse assurance, de domination de la conversation par quelques verbeux. Ces phénomènes nuisent à l’efficacité d’un conseil mais sont inévitables à notre époque alors que la bonne gouvernance s’appuie sur des conseils faits de membres indépendants sans liens de «copinage» entre eux; le PCA doit chercher à briser cette dynamique qui transforme les réunions du conseil en une sorte de cocktail dinatoire.
Gérer sa relation avec le chef de la direction
Le PCA devrait également jouer un rôle de conseiller auprès du chef de la direction, maintenir un dialogue continu avec le chef de la direction sur les enjeux stratégiques de la société; toutefois, le PCA doit éviter, ce qui n’est pas facile en pratique, de se commettre envers les choix du chef de la direction avant les réunions du conseil et ainsi devoir faire front commun plus ou moins ouvertement avec lui, plutôt que de jouer son rôle d’arbitre et de meneur impartial de la discussion.
Entretenir un climat harmonieux au sommet de la société
C’est là une condition sine qua non au bon fonctionnement de la société. Autrement, apparaissent les clans, des réunions du conseil conflictuelles, des différends plus ou moins publics quant aux orientations et décisions de la société. En somme, la pagaille!
Maintenir une saine mais mouvante démarcation entre la gouvernance et la gestion de l’organisation
Au-delà de la platitude que le conseil gouverne et la direction gère, la démarcation appropriée est d’une nature problématique et changeante. Cette démarcation bien étanche lorsque tout va bien doit changer lorsqu’une crise survient ou que des enjeux hors du commun sollicitent la société. C’est le rôle du PCA de faire évoluer cette démarcation au gré des circonstances.
Assurer une utilisation optimale des habiletés et de l’expérience des membres du conseil
Au fur et à mesure que s’ajoutent aux conseils d’administration des gens expérimentés, intellectuellement vigoureux et disponibles, il convient de rechercher les moyens de faire le meilleur usage de ce talent. La nature et les responsabilités des conseils ont changé. Le PCA doit chercher comment faire le meilleur usage du talent assemblé au conseil pour le mieux-être de l’organisation.
Ces constats sont tout aussi pertinents pour les sociétés d’État que pour les sociétés privées cotées en Bourse.
Les gouvernements sont responsables de nommer les présidents des conseils d’administration des sociétés d’État. Au fil de ces nominations, on prend la mesure d’un gouvernement, de sa compétence, de sa volonté d’assurer une haute qualité de gouvernance dans les sociétés d’État.
Il est sage pour un gouvernement de bien mesurer la portée de ses décisions en ce domaine. Il y va de sa crédibilité et de la bonne performance de nos sociétés d’État.
Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.