10 août 2023

Une ex-conseillère de Pierre Fitzgibbon nommée bras droit du grand patron d’Hydro-Québec

Jeanne Olivier devient cheffe de cabinet de Michael Sabia

Annabelle Blais | Le Journal de Montréal

Une ancienne conseillère politique du ministre Pierre Fitzgibbon est maintenant cheffe de cabinet du PDG d’Hydro-Québec.

Jeanne Olivier, qui est depuis lundi le bras droit du nouveau patron d’Hydro-Québec, Michael Sabia, a travaillé de janvier à août 2022 comme conseillère politique pour le ministre Pierre Fitzgibbon, alors ministre de l’Économie.

Ce dernier est aujourd’hui ministre de l’Économie, mais également de l’Énergie de qui relève la société d’État Hydro-Québec.

Comme le révélait notre Bureau d’enquête en février dernier, Mme Olivier a également déjà travaillé pour la firme McKinsey. Elle a été embauchée au cabinet de M. Fitzgibbon alors qu’elle venait tout juste de travailler sur un contrat que le ministre avait octroyé sans appel d’offres. Elle est aussi la fille de François Olivier et d’Isabelle Marcoux, qui ont dirigé Transcontinental alors que M. Fitzgibbon en était administrateur, de 2009 à 2017.

Contexte particulier

En janvier dernier, l’ancienne PDG Sophie Brochu avait créé la surprise en annonçant sa démission à partir d’avril. M. Fitzgibbon avait alors nié les rumeurs de tensions politiques entre eux.

Ce dernier avait, par la suite, affirmé en février que le successeur de Mme Brochu serait choisi par les ministres et que le rôle du conseil d’administration était de «s’assurer d’avoir des ressources qui vont être capables d’exécuter la vision stratégique du gouvernement».

Il ajoutait qu’il avait eu des discussions avec des candidats potentiels

Or la Loi sur Hydro-Québec prévoit plutôt que le conseil des ministres doit choisir un candidat inscrit sur une courte liste dictée par le conseil d’administration d’Hydro-Québec.

«Indépendance d’esprit»

Hydro-Québec assure que le ministre n’a rien à voir avec le choix de Mme Olivier au cabinet de M. Sabia.

«La réputation de Michael Sabia n’est plus à faire, il a une très grande indépendance d’esprit, affirme Philippe Archambault, chef médias et affaires gouvernementales, pour Hydro-Québec. C’est son choix d’embaucher Jeanne Olivier, il la connaissait depuis quelques années, ils ont travaillé ensemble.»

Mme Olivier a effectivement été analyste financière (summer analyst) à la Caisse de dépôt et placement du Québec à l’été 2016. M. Sabia était alors PDG de la Caisse, poste qu’il a occupé jusqu’en 2020.

«Ils s’étaient suivis par la suite», dit le porte-parole avant d’ajouter que Mme Olivier n’a travaillé que quelques mois pour le ministre Fitzgibbon et qu’elle n’y est plus depuis un an.

Le parcours académique et professionnel de Mme Olivier est d’ailleurs impressionnant, juge Luc Bernier, professeur d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa.

«Mais je suis extrêmement étonné que M. Sabia veuille quelqu’un qui vienne du cabinet de son ministre», précise-t-il.

Rapprochement?

Cette embauche annonce-t-elle un rapprochement entre la société d’État et le ministre Fitzgibbon?

« Pour le public, en général, ça soulève des questions à savoir: est-ce qu’il y a une relation qui se développe sur l’alignement politique, souligne Rémy Trudel, professeur associé à l’École nationale d’administration publique.

« Dans ce contexte, comme tout organisme public, c’est à M. Sabia d’expliquer son choix, car on est dans une administration publique », ajoute-t-il.

« Mais je ne pense pas, à première vue, que ça mette en cause l’indépendant d’Hydro-Québec », précise-t-il.

D’un point de vue de gouvernance, il n’y a absolument aucun problème, poursuit Patric Besner, avocat et vice-président de l’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques.

Ce dernier rappelle que, tant chez McKinsey, qu’au gouvernement ou chez Hydro-Québec, il existe des codes d’éthiques avec des obligations de loyauté et de confidentialité de l’information.

« La personne qui coulerait de l’information, serait dans le sérieux trouble », dit-il.

« C’est sûr que, pour une couche de la population, ça l’air arrangé avec le gars des vues, mais à ces hauts niveaux-là… je ne crois pas que Michael Sabia accepterait d’avoir une personne qui a été plantée par le ministre de l’Économie », croit-il.

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