7 août 2021

Regard sur les parcours atypiques de dirigeants de grandes organisations

Mathieu Gobeil | ICI - Radio-Canada

La communicatrice et ex-politicienne Marie Grégoire prend les rênes de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) le 9 août dans la controverse. Elle ne sera pas la première dirigeante à se retrouver dans une telle position. La nouvelle PDG dispose d’atouts, mais elle devra éviter des écueils, estiment des experts.

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Une vingtaine de dossiers de candidature avaient été déposés pour prendre la tête de BAnQ. On peut supposer qu’une partie venait de l’interne et un certain nombre, de l’externe.

Si on fait le parallèle avec des organisations privées, environ 15 % des dirigeants sont recrutés à l’externe de l’organisation où ils sont nommés, et 85 % sont des promotions à l’interne, illustre M. Dauphin.

Évidemment, on va souvent aller avec des promotions à l’interne parce que les gens sont en place depuis longtemps, ils connaissent bien la culture, le fonctionnement de l’organisation. Donc, souvent, c’est dans une volonté de continuité, explique-t-il.

Le fameux 15 %, ce sont souvent des entreprises plus en difficulté ou avec une volonté de changement importante, soit un changement de culture, d’orientation, ou un changement stratégique majeur. Et à ce moment-là, on a intérêt à aller chercher une personne mieux positionnée pour arriver avec un cadre neuf, dit-il.

« On vient chercher des qualités différentes et insuffler un vent de changement dans l’organisation ». (François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques)

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Être à l’écoute et savoir bien s’entourer

Une personne qui est en quelque sorte parachutée à la tête d’une organisation dont elle ne maîtrise pas les activités courantes a tout avantage à prendre le temps d’écouter, d’avoir une certaine sensibilité à la culture [d’entreprise] existante, et d’évaluer assez rapidement quel est le rythme de changement acceptable à l’intérieur de l’organisation afin de ne pas brusquer les choses, souligne François Dauphin.

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À ce sujet, MM. Dauphin et Sabourin rappellent le mythe du super-PDG il y a une trentaine d’années : un as des résultats, mais sans expérience préalable du métier de l’organisation qu’il est désormais appelé à diriger. Ce modèle éblouissait beaucoup dans les grandes entreprises, mais a engendré nombre de fiascos. Il a été progressivement délaissé.

Je pense à l’exemple de Robert Nardelli [qui provenait de General Electric] et est arrivé à la tête de Home Depot au début des années 2000. Il a eu un mal fou, en faisant des changements peut-être trop drastiques dans une culture entrepreneuriale déjà en place et ça a été une déconfiture terrible pour Home Depot pendant ces quelques années-là, relate François Dauphin.

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Il y a des cas de changements réussis, toutefois, comme celui effectué par Lou Gerstner chez IBM, au tournant des années 90, remarque M. Dauphin.

On a délaissé un peu la production d’ordinateurs centraux pour s’en aller vers une entreprise de services. Néanmoins, sous sa gouverne, IBM a mis à pied des dizaines de milliers d’employés.

Et Gerstner arrivait du géant des biscuits Nabisco pour se retrouver dans une compagnie d’informatique! Comme quoi, il y a des cas radicalement différents. Donc, ça varie énormément d’une personne à l’autre.

Les forces et les défis de Marie Grégoire à BAnQ

Les critères de sélection qui étaient affichés sur le site du Secrétariat aux emplois supérieurs nous donnent une indication sur la volonté du CA de BAnQ d’aller recruter sa PDG à l’externe, mentionne M. Dauphin.

On mentionne un leadership collaboratif, une capacité de mobilisation, des aptitudes de négociation, et on parle aussi de sens de l’innovation et d’une capacité de gestion du changement, ce qui laisse sous-entendre que le conseil d’administration avait des orientations stratégiques qui sont passablement différentes de celles qui sont en place actuellement, souligne M. Dauphin.

La connaissance de l’appareil gouvernemental québécois faisait aussi partie des différents critères du comité, ce qui a assurément joué en faveur de Mme Grégoire, poursuit-il.

Pour une société d’État comme celle-là, on a besoin de quelqu’un qui va savoir tirer sur les bons leviers au gouvernement. […] Et aussi rendre l’organisation plus apparente dans les médias et un peu partout. Donc, on a davantage sélectionné en fonction des qualités de la personne que sur la feuille de route en tant que telle, estime M. Dauphin.

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« Un PDG, au quotidien, ça reste une seule personne. Ce n’est pas une organisation dans son ensemble ». (François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques)

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