9 octobre 2014

Pour un C.A. connaissant vraiment la musique…

Michel Nadeau | Le Devoir

Sans aller jusqu’à sabler le champagne, les membres du conseil d’administration du Conservatoire de musique et d’art dramatique devaient se féliciter en voyant la ministre de la Culture et des Communications s’approprier la cause du réseau des sept conservatoires en région. Il aura suffi de la fuite mystérieuse (?) d’un scénario apocalyptique (que personne n’a vu) pour que l’opinion publique et Yannick Nézet-Séguin fassent de l’enjeu un objet de survie culturelle nationale. L’opération a réussi. Mme Hélène David a rassuré tout le monde en demandant au conseil d’administration de trouver d’autres solutions. Il serait étonnant que la structure très inadéquate de gouvernance règle le problème du déficit accumulé depuis 2007 de 15 millions.

Le bilan de l’organisme souffre d’une transition mal gérée, en juin 2006, de « direction du ministère » à « organisme autonome ». Le loyer et les frais d’intérêt coûtent maintenant 10 millions par année. Un conseil de gens expérimentés aurait débusqué l’impact de ces changements comptables perfides. Le conseil n’a pas freiné la hausse du budget, qui a grimpé de 24 millions en 2008 à près de 34 millions l’an dernier. Le CA n’a trouvé aucune source de revenus sauf le doublement des droits de scolarité en cinq ans.

Depuis 2008, les rapports d’activités du conseil ramènent la question du déficit chaque année avec plus d’encre rouge chaque fois. Pas moins de cinq comités de travail ont été créés entre le ministère et le conservatoire pour revenir à l’équilibre. Le ministre Maka Kotto a donné un mandat à sa sous-ministre, Mme Rachel Laferrière, de trouver une solution. Le déficit n’a cessé de gonfler. Le conseil a décidé alors de jouer la grande carte de la fermeture !

Cette crise survient au moment où le Conservatoire connaît une « une diminution des demandes d’admission en musique partout dans le réseau », écrit la présidente du conseil dans son plus récent rapport. Le Conservatoire doit-il demeurer la seule institution en Amérique du Nord offrant de la formation continue de l’élémentaire au 2e cycle universitaire ? Que faut-il préserver de cette mission pour continuer d’offrir une formation musicale dans les régions du Québec ? Des choix doivent être faits dans l’intérêt des jeunes musiciens — moins nombreux — et non de l’appareil bureaucratique.

Si la ministre veut résorber le déficit, elle doit changer la gouvernance du conseil, on ne peut plus boiteuse. Selon la Loi, le conseil d’administration comprend 20 personnes ; les bonnes pratiques de gouvernance montrent que la moitié suffirait. Pour ce qui est de la diversité de l’expertise des administrateurs, faudra repasser ; une forte majorité est des artisans et des artistes dans le monde de la musique ou du théâtre avec une expérience limitée en gestion. Combien parmi ces 20 personnes ont déjà géré une organisation avec un budget de 34 millions, 350 employés et 800 étudiants ? Pas moins de dix des administrateurs sont des employés ou des « élèves » (élus par des collèges) qui ont ainsi parmi leurs fonctions d’administrateur celle d’évaluer la direction de l’institution. Inacceptable.

Pour assurer la survie du réseau des conservatoires, il faudra des solutions ingénieuses. L’ajout de revenus de location (moins de 400 000 $ actuellement) ne sera pas suffisant. Madame David doit pouvoir compter sur un conseil de gens expérimentés, créatifs, dynamiques, familiarisés avec les opérations de pareils organismes. Après 70 ans d’existence, l’heure est venue d’aborder de nouveaux répertoires en revoyant l’article 4 de la Loi et désigner à la tête du conservatoire des gens qui connaissent vraiment la musique…

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.