19 septembre 2023

Financement des universités: Quand la salle St-Hubert devient la salle Vilnius

Louise Leduc | La Presse

Quatorze salles de HEC Montréal qui portaient les noms de grandes entreprises ou d’organisations donatrices ont été débaptisées. C’est que les contrats de 20 à 25 ans les liant à l’école de gestion montréalaise viennent d’arriver à échéance.

À HEC Montréal, des édifices, des salles, mais aussi des casiers, des sièges de classe ou des dalles de béton peuvent être identifiés au nom de donateurs, qu’ils s’agissent d’entreprises ou de mécènes.

Étudiants, à vos plans pour trouver vos salles de cours ! Les noms de plusieurs entreprises ont été retirés d’un coup à des locaux qui ont perdu leur commanditaire dans les pavillons de HEC Montréal. Ainsi, la salle St-Hubert devient la salle Vilnius, la salle Keurig Canada devient la salle Amsterdam, la salle Sony devient Séoul, la salle Société canadienne des postes devient Tkaronto (Toronto, en mohawk), la salle Xerox est rebaptisée Accra, etc.

Est-ce le signe d’un ralentissement dans les dons, sur lesquels comptent beaucoup les universités pour se financer ?

Émilie Novales, conseillère en relation avec les médias de HEC Montréal, répond qu’il n’y a pas de perte de vitesse. Pour l’instant, au nouvel édifice Hélène-Desmarais, par exemple, environ 60 % des salles portent un nom d’organisation ou de particulier, en reconnaissance d’un don.

Mme Novales souligne aussi au passage que KPMG a deux salles à son nom dans l’édifice situé sur le chemin de la Côte-Sainte-Catherine.

Il se peut aussi, précise-t-elle, que les salles auxquelles ont été attribués des noms de ville « changent encore de nom dans le futur en raison de nouvelles ententes ».

Bonne récolte de fonds dans les universités en 2022

Le rapport annuel 2022 de la Fondation HEC Montréal fait état d’une très bonne récolte de dons ou d’engagements de dons, qui ont totalisé 21 millions. Les autres grandes universités rapportent aussi avoir eu de bonnes collectes ces dernières années.

Pour 2021-2022, par exemple, l’Université Laval a reçu 70,7 millions en dons, l’Université du Québec à Montréal, 20 millions, l’Université McGill, 148,8 millions (2022), tandis que l’Université de Montréal (pour l’année fiscale 2022-2023) a reçu 77,4 millions en dons, et Concordia, 23 millions (année fiscale 2022).

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« Les chercheurs vont là où il y a du financement »

Madeleine Pastinelli, présidente désignée de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), note que quand les universités ont commencé à être beaucoup financées par les entreprises, l’opinion publique, les étudiants et les professeurs s’en sont insurgés.

De nos jours, l’université manque tant d’argent et les dons très publics d’entreprises font tant partie du paysage qu’il est rare qu’on s’en préoccupe.

Pourtant, dit-elle, le danger est là. « Dans une société capitaliste, ce n’est pas par charité chrétienne qu’une entreprise fait un don. »

Le risque, à son avis, n’est pas tant que des entreprises cherchent à dicter le contenu de cours ni qu’elles cherchent à influencer des conclusions d’études, mais bien que les entreprises déterminent les sujets de recherche.

De nombreuses chaires sont financées par de grandes entreprises, « et les chercheurs vont là où il y a du financement », fait valoir Mme Pastinelli.

MPatric Besner, vice-président de l’Institut sur la gouvernance – créé en 2005 par HEC Montréal et l’Université Concordia – voit la chose d’un autre œil. À son avis, la « liberté académique » est une valeur sacrée pour les professeurs, et il ne s’inquiète aucunement pour leur indépendance.

« La philanthropie est un principe qui doit être encouragé », estime-t-il, ajoutant qu’il est bon pour les jeunes de voir cet esprit philanthropique à l’œuvre, comme il est présent dans les hôpitaux et universités d’ici et encore plus aux États-Unis.

Il faut bien sûr baliser de façon très serrée la pratique en s’assurant par exemple par contrat que le nom d’un édifice ou d’une salle de classe puisse être retiré à un Vincent Lacroix, évoque-t-il comme exemple.

Il doute pour sa part que les donateurs espèrent un retour.

Mais dans ce domaine comme ailleurs, note-t-il en riant, « parfois, la modération a meilleur goût ! ».

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