Conseil d’administration: Le CN trouve enfin son candidat francophone
Julien Arsenault | La PresseEnviron cinq mois après avoir été plongé dans une vive controverse pour avoir fermé les portes de son conseil d’administration aux francophones, le Canadien National (CN) corrige finalement le tir. Son équipe accueillera Michel Letellier, président et chef de la direction du producteur québécois d’énergie renouvelable Innergex.
La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, établie à Montréal et assujettie à la Loi sur les langues officielles, a confirmé la nomination, jeudi, en début de soirée. Le plus important transporteur ferroviaire au pays a justifié l’ajout de M. Letellier en vantant ses compétences en matière de « développement durable ».
Celui-ci se joindra aux 11 administrateurs actuels de l’entreprise le 1er octobre.
« Je doute que les réunions se tiennent en français, mais au moins, il sera le représentant de la langue, souligne le directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), François Dauphin. Au moins, le CN tient parole. »
Si le conseil d’administration du CN s’agrandit, la situation risque d’être temporaire, a laissé entendre le transporteur.
« La nomination permet une transition planifiée en prévision des départs à la retraite », a indiqué l’entreprise, dans une déclaration envoyée par courriel.
Bien seul
M. Letellier sera l’unique membre du conseil d’administration parfaitement bilingue. La présidente et cheffe de la direction du CN, Tracy Robinson, poursuit toujours son apprentissage de la langue. Le CN affirme que trois autres administrateurs – Justin Howell, Susan Jones et Kevin Lynch-maîtrisent en partie la langue de Molière.
Recruté en janvier dernier, l’ex-premier ministre québécois Jean Charest avait rapidement démissionné environ deux mois plus tard pour briguer la direction du Parti conservateur du Canada. Le CN n’avait pas cru bon de le remplacer par un administrateur francophone.
Lorsque La Presse avait éventé la situation en avril dernier, le transporteur ferroviaire avait été vivement critiqué. La Caisse de dépôt et placement du Québec – l’un des grands actionnaires du CN – était sortie de sa réserve habituelle pour qualifier la situation d’« inacceptable ».
M. Dauphin juge que la durée du processus pour recruter M. Letellier est raisonnable. L’expert ajoute cependant un bémol.
« Ils auraient dû être à la recherche d’une personne francophone dès le départ de Jean Charest, souligne-t-il. Dans les circonstances, c’est acceptable. Il y a quand même quelqu’un de prêt à siéger. »
Dans un communiqué, la présidente du conseil d’administration du CN, Shauneen Bruder, a estimé que M. Letellier était un « ajout exceptionnel » à l’équipe d’administrateurs.
« Sa vaste expérience des affaires et de la stratégie, le leadership en développement durable et les antécédents en matière d’esprit d’entreprise, conjugués à son acuité financière et à ses réalisations commerciales, font de lui un ajout exceptionnel au conseil », a-t-elle indiqué.
Le directeur général de l’IGOPP est d’accord sur ce point. Au moment où les critères ESG (environnement, social et gouvernance) prennent de plus en plus de place au sein de la gestion des sociétés, la recrue du CN apporte des « compétences complémentaires », affirme M. Dauphin.
Sur l’équipe actuelle d’administrateurs, seulement trois membres possèdent des compétences en matière de critères ESG, selon la plus récente circulaire de sollicitation du CN.