25 août 2025

Ça risque d’arriver encore

Paul Journet | La Presse

François Legault doit regretter d’avoir créé la commission d’enquête sur la gestion informatique à la SAAQ.

Il voulait montrer que son gouvernement n’avait rien à se reprocher. Et il espérait que ce scandale de la société d’État ne remonterait pas jusqu’à lui.

Ce n’est pas ce qui arrive. Le commissaire Denis Gallant pourrait le convoquer pour vérifier ce qu’il savait ou devait savoir.

Ces questions sont importantes. Mais il y en a une autre qui est tout aussi cruciale : ce fiasco se répétera-t-il ?

Dès 2005, le vérificateur général déplorait le manque de rigueur dans les contrats informatiques. Ça ne s’est pas amélioré.

En mars 2015, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) arrêtait huit suspects pour un contrat informatique octroyé par Revenu Québec à IBM et EBR. Sous pression, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, avait alors demandé à l’UPAC et à la vérificatrice générale d’examiner des contrats et de formuler des recommandations.

Leurs conclusions : l’État n’avait pas d’expertise en informatique. Il dépendait du privé qui définissait les besoins, concevait les appels d’offres à son avantage puis rédigeait les contrats. À son avantage, évidemment. Le manque de concurrence permettait à des géants de s’en mettre plein les poches. D’autant plus que le public était incapable de bien faire le suivi des projets.

[…]

SAAQclic devrait nous inciter à réfléchir de façon plus générale à la gouvernance de l’État.

Le PDG devrait idéalement être sélectionné après recommandation du conseil d’administration (C.A.). Ce ne fut pas le cas avec Denis Marsolais et Éric Ducharme. Ces mandarins ont reçu ce poste comme une récompense, ou une piste d’atterrissage, après une longue carrière dans la haute fonction publique. Ils n’avaient pas le profil requis.

Ensuite, ils n’ont pas été bien surveillés par leur C.A.

Selon la loi sur la gouvernance des sociétés d’État, le ministre délègue une partie de ses pouvoirs au conseil d’administration, rappelle Alexandra Langelier,  vice-présidente exécutive de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques. Plus précisément, il confie au C.A. des directives et objectifs, qui en supervise ensuite l’exécution. Mais il en demeure ultimement responsable.

Tout commence avec le président du C.A. Il doit donner le ton pour surveiller le PDG. Or, les gouvernements ont nommé à la présidence des gens qui n’avaient jamais siégé au conseil de la SAAQ. Ils n’avaient pas de vision historique des dossiers. Ni de compétence particulière dans le sujet.

Une culture de complaisance s’est installée sur le C.A. Personne n’avait d’expérience en informatique. Et personne ne semblait poser les questions difficiles. Il est plus facile de rester gentil avec tout le monde, surtout quand on espère être nommé à d’autres C.A. payants…

[…]

Les sociétés d’État doivent garder leur autonomie. Mais le ministre, par après, doit les surveiller. Surtout quand des fonds publics sont en jeu. Cela requiert de la compétence. On me donne l’exemple d’une ministre influente, avec une expérience dans le secteur public et privé, qui exigeait un rapport hebdomadaire pour le lancement d’un nouveau programme qui commençait à déraper. Elle a fini par remplacer le responsable et l’échéancier a été respecté.

François Bonnardel et Geneviève Guilbault n’avaient pas ce profil, malheureusement. Reste que même s’ils l’avaient eu, le ver était déjà dans le fruit.

L’État a commandé d’immenses contrats informatiques, sans expertise, en se mettant à la merci du privé, puis en se fiant à un conseil d’administration qui ressemblait à un club social, et à un PDG nommé pour plusieurs raisons autres que celle de piloter le virage numérique.

C’était vrai à la SAAQ, et on se demande encore pourquoi ce ne serait pas le cas ailleurs aussi.

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