21 février 2024

Culture « toxique » : Natation Gatineau doit faire un grand ménage dans sa structure

Anne-Charlotte Carignan | ICI - Radio-Canada (Ottawa-Gatineau)

Natation Gatineau doit revoir son organisation administrative en raison de sa culture qualifiée de « toxique ». C’est ce que recommande l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) dans un rapport dont Radio-Canada a obtenu copie.

Il a été envoyé aux membres du club de natation, mercredi, selon nos informations.

L’IGOPP, un centre indépendant en matière de gouvernance, a été mandaté par la Fédération de natation du Québec (FNQ) dans la foulée des plaintes contre l’ancien entraîneur en chef de Natation Gatineau, Brian Kelly.

Il est reproché à ce dernier d’avoir tenu des propos inadéquats, d’avoir manqué de respect et d’avoir contribué à l’instauration d’un climat toxique avec les athlètes du club de natation gatinois.

Brian Kelly a toujours nié toutes les allégations le concernant et a pris sa retraite l’été dernier.

L’ancien entraîneur-chef a été banni de la FNQ, en novembre, à la suite d’un rapport du Comité de protection de l’intégrité à son sujet.

Des lacunes dans l’exercice des devoirs des administrateurs

Par cette étude, la Fédération souhaitait obtenir des recommandations permettant d’accompagner le club dans la révision de sa gouvernance, de sa gestion et de sa culture organisationnelle, écrit l’IGOPP dans son Rapport sur la gouvernance de Natation Gatineau, daté de janvier 2024.

Le constat : il y a de nombreuses lacunes dans l’administration actuelle du club. Le rapport d’une cinquantaine de pages se base entre autres sur 19 entrevues réalisées avec des administrateurs, parents et athlètes, notamment.

L’IGOPP note une grande concentration des rôles et des responsabilités dans les mains de quelques personnes clés de l’organisation. Il ajoute qu’il y a présence de conflits d’intérêts récurrents entre plusieurs personnes clés, en plus [d’un] manque de transparence, de diversité et d’encadrement.

Par exemple, selon les politiques du club, les plaintes devaient être adressées à la gestionnaire du bureau, poste occupé par la conjointe de l’entraîneur en chef.

Brian Kelly était l’entraîneur-chef de Natation Gatineau depuis la saison 2016-2017, jusqu’à son départ à la retraite à l’été 2023. (Photo d’archives)

Il s’agit d’un manque d’indépendance particulièrement problématique, selon le rapport.

[Des] administrateurs détenant une grande ancienneté et influence au conseil d’administration siégeaient aussi sur le Comité de traitement des plaintes et de résolution des conflits. (Une citation de Rapport sur la gouvernance de Natation Gatineau, janvier 2024)

Certaines personnes agissaient bénévolement à la fois comme administrateurs […] et comme gestionnaires […]. Elles étaient par exemple responsables d’appliquer certaines politiques et codes de conduite dont la politique des plaintes, responsables d’organiser des compétitions, responsables des finances, responsables des bénévoles, et cela tout en agissant comme dirigeants, est-il indiqué.

La majorité des anciens administrateurs rencontrés par l’IGOPP disent avoir quitté le conseil d’administration après seulement un an ou deux parce que quelques personnes avec plus d’ancienneté et d’expérience « détenaient tout le pouvoir et contrôlaient tout » , que ce n’était « pas possible de changer les choses ».

Ils ajoutent qu’ils n’avaient « pas accès à l’information et qu’on cachait des choses », que les « décisions en conseil étaient prises rapidement par deux ou trois personnes » et que bien souvent on les « dénigrait quand ils posaient trop de questions ».

De nombreux changements sont requis

Il est recommandé à Natation Gatineau de revoir de fond en comble sa structure organisationnelle afin de rétablir la confiance de ses membres.

Il est notamment suggéré de séparer les fonctions d’administrateurs et de gestionnaires, de recruter un directeur général et de revoir la politique de gestion des plaintes.

Le rapport explique que Natation Gatineau devra communiquer efficacement cette nouvelle politique.

Cet exercice est nécessaire pour rétablir la confiance envers le processus de traitement des plaintes du club. (Une citation de Rapport sur la gouvernance de Natation Gatineau, janvier 2024)

Le club devrait aussi tenir une élection pour les postes d’administrateurs lors de son assemblée générale annuelle de 2024, en plus de retirer les administrateurs ayant réalisé quatre mandats consécutifs, selon l’IGOPP.

Une réflexion devrait aussi être entamée sur les valeurs du club en plus de l’adoption de codes d’éthique.

Nous croyons que le conseil d’administration de Natation Gatineau aurait tout à gagner à réfléchir aux autres gestes de reconnaissance qu’il pourrait poser afin de rétablir la confiance perdue auprès de plusieurs de ses membres présents ou passés, conclut le rapport.

L’IGOPP propose un échéancier de près d’un an pour mettre en œuvre les recommandations.

La FNQ, la Ville de Gatineau et le réseau scolaire sont aussi visés par des recommandations de l’institut puisqu’ils sont liés au club, notamment en raison de leur financement.

La FNQ prête à adopter les recommandations

Le directeur général de la FNQ, Francis Ménard, exige au conseil d’administration de Natation Gatineau d’adopter rapidement les recommandations du rapport de l’IGOPP.

[D’ici] la fin mars, le conseil d’administration de Natation Gatineau devra rédiger un plan d’action en gouvernance pour mettre en œuvre les recommandations, est-il écrit dans une lettre datée du 19 février, dont Radio-Canada a également obtenu copie.

La FNQ veut que le club agisse en priorité pour limiter le nombre de mandats consécutifs des administrateurs et que ces derniers déclarent tout conflit d’intérêts.

Le président du conseil d’administration du club depuis juin 2023, Étienne Lessard, accueille très favorablement les recommandations du rapport.

La vision du conseil d’administration, c’est d’apprendre de nos expériences passées, mais aussi de faire de Natation Gatineau un exemple de bonne gouvernance pour le futur, confie-t-il.

Lire la suite