27 avril 2019

Délicat, faire le saut en politique

Mylène Crête | Le Devoir

La sortie du ministre Pierre Fitzgibbon mercredi a soulevé des questions sur la difficulté de faire le passage entre le monde des affaires et la politique. Faut-il assouplir le code d’éthique des députés pour ne pas se priver des compétences que ces hommes et ces femmes peuvent apporter à l’État ?

Le premier ministre François Legault a évoqué la question la semaine dernière lorsqu’il s’est fait questionner par le libéral Sébastien Proulx sur l’apparence de conflit d’intérêts entourant la nomination de Guy LeBlanc, un ami personnel de M. Fitzgibbon, à la tête d’Investissement Québec. Le ministre détenait jusqu’à tout récemment des actions dans l’entreprise MOVE Protéine, qui appartient au fils de M. LeBlanc.

« Je pense que la commissaire à l’éthique est d’accord, il va falloir revoir la loi, parce que […] quand un ministre détient des participations dans une entreprise privée, qui n’est pas cotée en Bourse, ce n’est pas évident en quelques jours de trouver un acheteur, a répondu M. Legault. Souvent, la personne est obligée de faire de gros sacrifices sur le prix parce ce n’est pas facile de trouver des acheteurs qui vont payer le prix du marché. »

« Donc, il va falloir se pencher sur ces règles, a-t-il ajouté. Combien de temps on donne aux nouveaux députés ministres pour vendre des placements privés ? Ça ne peut pas se faire instantanément. Puis, je sais que le chef de l’opposition officielle sait très bien de quoi je parle. »

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M. Fitzgibbon a indiqué mercredi qu’aucune de ses entreprises ne faisait affaire avec le gouvernement, mais qu’il avait décidé de s’en départir pour simplifier les choses.

Or, cette situation aurait pu être prévenue, selon le président du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance, Yvan Allaire.

Il estime que des gens issus du milieu des affaires ou de la finance ont leur place en politique. Ils doivent toutefois comprendre avant de faire le saut qu’ils doivent éviter les conflits d’intérêts ou l’apparence de conflit d’intérêts en demeurant investisseurs.

« Si on pense qu’on serait intéressé à faire de la politique, il faut immédiatement se poser la question : qu’est-ce que je fais avec tous ces placements que j’ai et qui poseraient problème si j’étais dans un parti qui gagnait l’élection et que je me retrouvais ministre ? » a-t-il indiqué.

Il croit que la Coalition avenir Québec aurait dû se poser cette question très tôt dans le processus de recrutement de M. Fitzgibbon et il s’étonne que les politiciens d’expérience au sein du parti n’y aient pas songé.

« Regardez le premier ministre lui-même, M. Legault, a donné comme exemple M. Allaire. Il y a longtemps qu’il est en politique et il a su que ce serait un problème, alors qu’est-ce qu’il a fait ? Tous ses avoirs, il les a mis en obligations du Québec. Alors là, il n’y a aucun problème. Tout son argent est dans un seul placement qui ne pose aucun problème. »

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