22 janvier 2020

Qu’attendre du prochain président de la Caisse de dépôt ?

Michel Nadeau | Le Devoir

La nomination du prochain président de la Caisse de dépôt et placement du Québec sera l’une des décisions les plus importantes du premier ministre François Legault et de son collègue des Finances, Eric Girard.

Le choix du huitième président de la Caisse aura des conséquences financières très importantes : une stratégie qui ajoute un rendement de 1 % ou 2 % se traduit par des bénéfices de plusieurs milliards de dollars pour les déposants. Les gains de la Caisse depuis cinq ans ont dépassé 104 milliards, l’équivalent du budget de l’État.

Le prochain maître des lieux de l’édifice Jacques-Parizeau doit chercher un « rendement optimal », mais « tout en contribuant au développement économique du Québec ». Avec un rendement annuel de 12 %, Jean Campeau a, le premier, montré qu’il était possible d’exceller dans les deux volets du mandat de la Caisse.

Le conseil d’administration a suivi un processus de remplacement, mais la décision se prendra dans les bureaux de messieurs Legault et Girard, qui devraient considérer cinq critères plus adaptés au contexte du monde financier et de l’économie du Québec de 2020.

1. Le prochain président de la Caisse devra être un leader indépendant et rigoureux. Les gouvernements succombent parfois à la tentation d’envoyer des messagers indirects à la haute direction de la Caisse, qui a toujours gardé une distance raisonnable. L’élu doit avoir la crédibilité et la force de caractère pour incarner cette essentielle autonomie de la Caisse.

2. Rompu à la réalité des marchés financiers, le prochain président devra défendre les nouvelles valeurs reliées à l’environnement, aux enjeux sociaux et à la nouvelle gouvernance. Les principes Environnement social et gouvernance (ESG) font maintenant partie de la réalité du placement. La gouvernance inclut maintenant la gestion de l’innovation, la protection des données, l’attraction et la rétention des talents, etc. Les GES ne sont plus une bataille d’idéalistes ; les entreprises découvrent que le réchauffement ne fera pas que faire fondre les glaciers, mais tous les profits…

3. Le prochain président de la Caisse doit avoir à coeur la réalité des entreprises privées et publiques du Québec. Les entrepreneurs et chefs d’entreprise québécois ont plus que jamais besoin de la Caisse pour relever de nouveaux défis dans une économie numérique, écologique, mondialisée et qui traverse de profonds changements démographiques. Avec ses 327 milliards de dollars d’actifs, la Caisse est le seul acteur québécois d’envergure dans le club mondial de l’investissement ; elle peut assumer des risques élevés dans la transformation des firmes locales vers une économie verte, globale et numérique.

4. Ouverte à l’innovation financière, la Caisse doit suivre une stratégie d’investissement qui va bien au-delà du simple marché des actions et des obligations pour privilégier les nouveaux types d’investissement comme les infrastructures, les placements privés et l’immobilier. Les deux tiers des actifs de la Caisse sont à l’extérieur du Québec et du Canada, lesquels représentent ensemble moins de 2 % des actifs mondiaux de grands marchés. Pour ajouter de la valeur, il faut désormais sortir des marchés traditionnels pour tirer profit d’occasions d’investissement exceptionnelles sur la planète.

5. Le nouveau patron de la Caisse doit avoir démontré une solide capacité à motiver et à conserver les talents en place. Il n’hésite pas à attirer de l’expertise d’ailleurs, mais ce savoir-faire doit être intégré dans la culture de l’organisation québécoise. La Caisse ne peut plus être un tremplin pour des opportunistes mercenaires qui utilisent les postes à Londres ou à New York pour le prochain saut de leur ambitieuse carrière.

Par ailleurs, le public québécois veut savoir où vont les sommes puisées dans le bas de laine national. Tout en étant sobre sur les informations reliées aux transactions commerciales, le p.-d.g. de la Caisse doit être soucieux d’expliquer à ses millions de déposants comment leurs épargnes sont investies.

En conclusion, il n’y a peut-être pas de candidat idéal et évident. En considérant ces critères, M. Legault et M. Girard devront faire leur choix en s’inspirant d’abord de leurs profondes convictions personnelles. C’est une partie de l’avenir du Québec à court et à moyen terme qui est en jeu. Avec sagesse, audace et courage, la première grande décision de la décennie doit être la bonne.